La bandelette au papier absorbant blanc devenu d'un joli rose fut balancée à côté des deux précédentes tout aussi rose que la dernière, alors qu'il en soupirait longuement. Le PH de l'eau était bon. Comme la filtration ou tout ce qui était possible de vérifier dans un aquarium. Et pourtant Orion n'allait pas bien. Et c'était peu de le dire alors que le poisson rouge tanguait plus qu'il ne nageait et semblait vouloir couler comme une pierre tous les trois battements de nageoire... Orion qui n'avait jamais été d'une vivacité mirobolante était en train de mourir... Alors soit il le laissait s'éteindre doucement dans son environnement, soit... Il prenait le taureau par les cornes, et maintenant ! "Tu sais quoi ? On va te sauver mon petit gars ! Alors accroche-toi !" Il n'en avait pas fallu davantage pour qu'il le transfère dans sa boite de transport en plastique, et se décidant à ne prendre qu'une béquille sur les deux puisqu'il lui fallait tenir cette boite en équilibre de son autre main, il prit ses clés de voiture. Direction le vétérinaire...

Garé sur le bas-côté face à la clinique vétérinaire, il sortit précautionneusement la petite boite de transport alors qu'il fermait de la même main sa voiture, l'autre tenant sa béquille. Tout en tentant de ne pas se faire bousculer en ce samedi après-midi aux rues bondées, vu que tout le monde terminaient ses achats à quelques jours de Noël... Mais lui était bien loin de toutes ces festivités, son attention ne se portant que sur Orion. Et si le trottoir n'était pourtant pas si grand pour atteindre la porte de la clinique, arriva ce qui devait forcément arriver. Quelqu'un tapa dans sa béquille et il en perdit l'équilibre. Et s'il se rattrapa in extremis grâce à l'appui de sa béquille justement, il n'en fut pas de même pour la boite de transport qui voltigea dans les airs avant de tomber comme au ralenti dans un film, et sans qu'il ne puisse rien y faire, aux pieds de quelqu'un. Sur le trottoir. Choc que ne put encaisser le plastique qui se fissura et cassa net, laissant l'eau s'écouler par le trou et inondant une paire de chaussures masculines en cuir.

Il ne lui fallut que quelques millisecondes pour réaliser toute l'horreur qui venait de se produire mais ce fut des millisecondes d'éternité avant qu'il n'en glapisse d'une façon totalement horrifiée. "...Mon poisson !" Un peu à la façon que sa mère l'avait fait lorsque bien plus jeune, elle avait découvert son araignée de compagnie cachée dans son lit, sous sa couette. Ou plutôt son élevage parce qu'il voulait avoir la plus belle, chose particulièrement difficile à déterminer avec ce genre d'insecte ! Et ce fut donc après ses pleurs suite au génocide de ses araignées, et ses explications tout aussi larmoyantes sur le fait qu'il était appelé par les jumeaux le "Tout seul" et qu'il voulait lui aussi avoir quelqu'un parce que c'était pas juste qu'il soit né tout seul, qu'il avait eu le droit à son poisson. Poséidon I mort de sa belle mort, puis Poséidon II tout aussi choyé qui avait fini par décéder lui aussi, et enfin Orion. Qui était actuellement en train d'agoniser dans le reste d'eau qui ne s'était pas encore tout à fait écoulé sur l'asphalte du trottoir...

Alors que lui, en état de choc, se trouvait figé à fixer sa boite de transport cassée par terre à quelques pas de lui. Avec une seule pensée tournant en boucle dans son esprit. La boite lui avait échappée des mains... Il n'avait pas su/pu la retenir et maintenant... Orion allait mourir à cause de lui !

J'avais passé les deux dernières années de ma vie à voyager autour du monde, une expérience incroyable, qui n'était pas donnée à tout le monde. En revenant aux USA, j'avais été voir mes parents à Palm Springs et j'avais ensuite rejoint certains de mes frères et sœurs à San Diego. Pour le moment, je n'avais pas encore mon propre appartement, donc je vivais chez mon frère Tayden, il avait un très grand loft et j'avais même le luxe d'avoir ma propre chambre, mais cela n'était que temporaire, j'aimais beaucoup trop mon indépendance pour vivre des semaines et des semaines chez mon frère et ses filles. En ce qui concerne le travail, j'avais rapidement sû me débrouiller par moi-même, j'évoluais dans un univers difficile, mais il y a longtemps, que j'avais chassé ce mot de mon vocabulaire. J'étais musicien et pas n'importe quel musicien, j'étais un véritable génie de la musique, un Mozart en puissance. J'avais donc répondu à des annonces pour donner des cours de musique, avec toute sorte d'instrument et je jouais sur scène certains soirs dans la semaine.

Ce soir, je n'ai pas suivi mon frère pour faire le tour des bars et des clubs branchés de la ville, bien que la proposition était tentante, l'idée de ne pas finir, la nuit, seul m'avait séduit, mais j'étais vite revenu à la réalité. J'avais un rendez-vous important le lendemain, avec un producteur influent, il lançait une nouvelle série et il m'avait proposé de composer toutes les musiques, dont celle du générique, je ne pouvais pas passer à côté d'une telle opportunité, j'avais donc laissé partir Tayden seul et moi, je m'étais installé au piano. Durant l'après-midi, je m'étais un peu familiarisé avec la série, afin de connaître l'ambiance et de composé quelque chose sur mesure et je n'avais aucun doute sur le faite que je fasse quelque chose de fantastique.

Comme toujours, quand je suis plongé dans la musique, je ne vois pas le temps passer, mais une sensation de décharge dans la main, me rappelle que je dois jouer depuis des heures. Je retire ma main du piano et je la fais un peu bouger, je la fais se détendre un peu. Je me lève et je me dirige vers la cuisine, je vais m'accorder une pause. Je regarde ma main, qui me brûle un peu, je n'aime pas cela ! Je n'aime pas que mon corps me rappelle que je ne suis pas à 100%. J'avais subit une agression, ma main avait été complétement broyé ! Après des mois et des mois d'opération et de rééducation, j'avais retrouvé 98% de la motricité de ma main. C'était énorme, je pouvais de nouveau jouer de la musique comme avant. Les médecins avaient eu de sérieux doutes, mais je ne m'étais pas laissé abattre, la musique, c'était toute ma vie, je ne voulais pas être condamné à ne plus jamais jouer.

Après une nuit de travail et quatre heures de sommeil à mon actif, je suis fin prêt pour mon rendez-vous. J'ai composé plusieurs morceaux et je n'ai aucun doute sur le faite que ce travail est dans la poche. Après une bonne douche et avoir enfilé des vêtements, je sors de chez mon frère et je pars en direction de mon rendez-vous. Sur le chemin, je suis perdu dans mon téléphone, je réponds à des propositions de concerts et à de demandes de cours particuliers. Je ne fais certes pas attention où je vais, mais les autres peuvent faire attention aussi, ils peuvent ouvrir les yeux, mais il faut croire que la personne que je percute n'avait pas ouvert les yeux.

Résultat de cette collision, mon portable au sol et un gamin en train de s'apitoyer sur le sors d'un poisson rouge. Ce stupide poisson rouge va me mettre en retard et je ne supporte pas cela, je n'avais pas du tout prévu que quelqu'un allait se mettre sur mon passage. Je prends soin de ramasser mon téléphone, qui Dieu merci n'a pas subit de dégâts et par la suite, je sors une bouteille d'eau de mon sac, j'attrape le poisson et je le mets dans la bouteille d'eau. Même dans l'eau le poisson n'a pas l'air au top de sa forme et ce n'est pas juste parce qu'il a passé quelques secondes hors de l'eau. Je donne la bouteille au gamin. « Ce n'est surement pas la chute qui l'a mis dans cet état...ce truc là était déjà mal en point avant... » oui je stop tout de suite une potentiel scène, je ne supporte pas les gens qui font des scènes.

Son précieux poisson rouge se trouvait sur le sol en train d'agoniser et il ne pouvait détacher son regard de sa boite de transport cassée. Orion allait mourir, encore plus sûrement que s'il l'avait laissé dans son aquarium... Et il ne parvenait juste pas à associer deux idées ensembles pour trouver un début de solution pour le sauver. C'était le blanc, le vide total dans son esprit... Orion était en train de mourir et on ramassait un téléphone juste à côté de lui ?! Ca le choqua tellement qu'il en oublia le temps de quelques secondes son poisson pour suivre le téléphone des yeux, avant qu'il ne soit remis dans une poche. Et qu'une bouteille d'eau ne sorte soudainement de nul part pour voir Orion passer par son goulot et retrouver l'eau... Et que lui reprenait soudainement son souffle.

En même temps qu'il récupérait la bouteille alors qu'il écarquillait les yeux à ce qu'il entendait ! Et c'était juste les montagnes russes parce qu'une nouvelle fois, il bloquait. Ce "truc-là" pour parler de son poisson !? Mais... Il n'avait jamais vu de poisson rouge ?! Apparemment pas. "Ce "truc-là" est un poisson rouge et il s'appelle Orion. Et s'il avait été en bonne santé, je l'aurais laissé dans son aquarium..." C'est qu'il ne promenait pas encore son poisson dans la rue comme on le ferait avec un chien ! Mais il avait beau trouver à y redire, il n'en restait pas moins que ce type venait de sauver Orion d'une mort prématurée parce qu'il n'avait pas non plus tort quand il parlait de son état inquiétant. Il se retrouva donc aussitôt après à le remercier pour son geste... "Mais merci pour la bouteille d'eau... Vraiment, merci." Et il n'y avait décidément rien de simple à suivre ces montagnes russes...  

Mais il pouvait au moins faire preuve de la plus élémentaire des politesses, après tout il avait été bien éduqué ! "Je vous aurais bien offert un "truc"..." Le mot lui avait échappé alors qu'il en souriait, particulièrement amusé. Bon ok, il l'avait réemployé à escient tout en insistant bien dessus, avant qu'il ne poursuivre. "A boire pour compenser cette bouteille mais là, j'ai une urgence médicale... Très urgente ! Et s'il parvient à survivre après tout ça, ça sera un vrai miraculé..." Cette dernière phrase ayant été dite plus pour lui-même qu'autre chose alors qu'il observait à travers le plastique de la bouteille comment Orion s'adaptait à son nouvel environnement. Et visiblement guère mieux que lorsqu'il était dans sa boite de transport...

Boite qu'il s'évertua plus ou moins périlleusement à récupérer parce qu'il n'était pas question d'en laisser traîner les débris sur le trottoir. Et plutôt plus que moins d'ailleurs, tout en s'appuyant sur sa béquille avec la même main qui tenait la bouteille et son précieux contenu, tout en proposant. "Si vous voulez, vous pouvez m'accompagner. La clinique est juste là..." Pourquoi pas après tout, puisque ce type venait tout de même de sacrifier sa bouteille d'eau pour la survie de son poisson. Et une fois rassuré sur le sort -tout de même très incertain- d'Orion, ils pourraient aller prendre un verre bien plus sereinement.

Je n'ai vraiment rien contre les animaux, je peux même les apprécier, s'ils ne sont pas chez moi. Mais le mec a l'air au bout de sa vie en voyant son poisson, déjà mal en point, en train d'agoniser sur le sol. Pour un chien ou un chat, j'aurais pu comprendre, car ils viennent te faire la fête quand tu rentres, ils te prouvent que tu leur a un peu manqué, mais un poisson... après avoir fait le tour de son bocal, il a oublié qui tu étais. Je ne suis cependant pas un monstre et voir la détresse dans les yeux de ce gamin, je vais lui apporter mon aide. Je sors une bouteille d'eau, je mets le poisson dedans, il n'a pas l'air très frais ce poisson et je n'y suis pour rien ! Je donne ensuite la bouteille au jeune, tout en regardant l'heure, c'est que je ne voulais pas être en retard à mon rendez-vous ! J'avais des projets bien plus intéressants que d'assister à la mort d'un poisson.

« Un poisson rouge !? Merci Capitaine Obvious... » Je n'étais peut-être pas calé en matière d'animaux, mais je savais les reconnaître depuis plusieurs années tout de même. « Quant au fait de te balader avec lui, ça peut être une nouvelle mode, j'ai vu des gens promener leur chat ou leur lapin en laisse ! » Je lève les yeux au ciel, nous vivons dans un monde de dingue. Je n'étais pas quelqu'un de méchant, mais j'étais cash dans mes paroles, j'étais sarcastique et il était trop tard pour me refaire. Après cet échange fort sympathique, il me remercie pour avoir sauvé son poisson, il était temps, mais ça, je me garde de le dire. Il avait l'air de tenir à ce poisson et il y avait quelque chose d'assez touchant la dedans. « Mais de rien. »

Quand il me dit "Je vous aurait bien offert un "truc"" je le regarde et je ris un peu. « Un poisson rouge? Non merci...le pauvre, avec moi son espérance de vie serait très réduite... » "Truc", c'est bien le nom pour un poisson rouge. Puis il précise qu'il parlait d'une boisson, pour compenser celle que j'avais perdu, ma bouteille d'eau. Mais là, il a une urgence... Je regarde le poisson, il n'est pas très vaillant ! Je me demande comment un vétérinaire peut soigner ce truc, enfin un poisson rouge. « Et pas qu'un peu... » un vrai miracle si ce poisson survit. Après je me dis qu'un poisson rouge ça ne vit pas non plus très longtemps.

Il ramasse les morceaux de la boite du poisson et je reçois un message, je sors mon téléphone de ma poche et je découvre un message du producteur, il a eu un empêchement, il déplace notre rendez-vous plus tard dans l'après-midi, le faite qu'il me redonne tout de suite un rendez-vous est bon signe ! Il a raison de le faire, je suis un excellent musicien, l'un des meilleurs, je suis un petit génie ! Il me propose de l'accompagner à la clinique vétérinaire, je regarde le poisson et le jeune, dont je ne connais toujours pas le prénom. « Pourquoi pas...je suis curieux de voir comment soigner un poisson rouge ! » J'étais vraiment curieux.

Orion était pour le moment sauvé. Enfin, sauvé... C'était dans doute un peu vite dit. En vérité, il savait déjà qu'il allait perdre son poisson. C'était le troisième qu'il avait depuis le génocide de ses araignées et il savait maintenant reconnaitre les signes. Mais il ne voulait pas s'avouer vaincu, Orion méritait qu'il se batte pour lui surtout vu la façon dont lui-même se battait pour rester en vie. Et puis, c'était Orion ! Le seul poisson qui était trop fainéant -ou déjà trop malade ?- pour aller chercher ses paillettes de nourriture à la surface et attendre qu'elles lui tombent dans la bouche...

Mais comment expliquer tout cela à un type qui lui assurait avec le sourire qu'un animal -un poisson en l'occurrence- ne vivrait pas deux jours avec lui ? Bon, il n'avait pas dit deux jours mais l'idée générale était là. "Ouais... Je te crois sur parole." Là-dessus ils étaient d'accord, il y avait des personnes à qui il valait mieux ne pas confier d'animal, ou un être vivant tout court... Et si son regard quelque peu dépité s'était posé sur lui, il n'en oubliait pas qu'il avait tout de même trouvé le moyen de remettre Orion dans l'eau. Tout n'était donc pas perdu avec lui ! "Mais le but d'avoir un animal est de faire en sorte à ce qu'il vive heureux et le plus longtemps possible... En fait, quel que soit l'être vivant, c'est de le faire rester vivant." C'était d'ailleurs un peu la base... Même si ce n'était clairement pas gagné avec Orion.

Mais pour le coup, il se retrouvait avec deux problèmes sur les bras à régler de toute urgence. Trouver le moyen de remercier son sauveur de poisson rouge, et amener -rapidement !- Orion à la clinique vétérinaire, juste à quelques pas de lui. Il opta donc pour une proposition plus polie qu'autre chose, et qui serait de toute façon tout aussi poliment déclinée. Parce que qui irait accompagner au vétérinaire un poisson rouge qui ne lui appartenait pas ? Certainement pas un type qui avouait se moquer du moindre animal comme de sa première chemise ! Sauf qu'il n'aurait pas pu davantage se tromper... Parce qu'il n'avait apparemment fallu qu'un coup de fil pour le voir aussitôt accepter l'offre comme s'il lui avait proposé une visite de Seaworld. Et s'il en resta saisi à juste le fixer en se demandant s'il avait bien tout compris, il se ressaisit bien vite parce qu'il y avait bien plus important à se préoccuper. Orion ! "D'accord... On va faire comme ça ! De toute façon, tu as visiblement besoin de recevoir des cours sur la façon de prendre soin d'un poisson." Et alors qu'il se détournait pour se diriger vers la porte de la clinique, il rajouta par souci d'honnêteté. "Même si tu es plutôt doué pour ce qui concerne les soins d'urgence. Il serait mort sur le trottoir sans toi." Un jour, il pensera à lui demander comment il s'appelait mais pour le moment, il ne pensait qu'à Orion...

Alors qu'il se dirigeait aussitôt vers le comptoir à peine la porte franchie. "Excusez-moi, j'ai mon poisson qui est en train de mourir ! Et j'ai cassé sa boite de transport..." Morceaux qui atterrirent rapidement dans la corbeille à papier alors que l'assistante vétérinaire grimaçait à la vue d'Orion qui avait bien du mal à se décoller du fond de la bouteille. "Bonjour Monsieur Backer, je vais chercher un bocal d'eau osmosée et prévenir le docteur." Le tout avec un petit sourire qui se voulait encourageant mais qui était bien plus gêné qu'autre chose. Et pour cause puisque ce fut pire encore après le transfert dans le bocal, et cela malgré l'apport de la solution protectrice des branchies et des muqueuses qui se dilua rapidement dans l'eau. "Le docteur est occupé avec un rottweiler mais il arrivera dès qu'il aura terminé. Vous avez essayé le traitement préventif basique ?" Alors qu'elle en vidait une dose dans le bocal au vu du poisson qui ne cherchait même plus à remonter. "Oui, et même celui des parasites de la dernière fois. J'ai tout essayé..." Et c'était bien le problème alors qu'il voyait Orion tomber sur le côté pour ne plus se redresser... Définitivement plus se redresser. "...Je suis désolée." Et qu'il en soupirait tout en ne parvenant pas à détacher son regard du bocal. "J'aurais essayé." De le sauver, mais surtout de lui donner la plus belle et la plus longue vie possible...

J'avais mis le poisson rouge dans une bouteille d'eau, mais à mon avis, ce poisson n'allait pas tarder à rejoindre la colonie de fourmis de ma sœur...j'étais encore responsable d'un animal certes pas très utile, mais qu'une personne aimait sincèrement. Mais pour ma défense, que ce soit pour les fourmis ou encore le poisson, je n'y étais pas vraiment pour quelque chose, c'était vraiment un coup de pas chance ! Encore une fois ! Mais qu'est-ce que j'avais fait au bon Dieu ? J'avais pourtant été à l'église chaque dimanche ! Bon d'accord, j'étais plongé dans mes cahiers de musique en train de composer, mais j'étais présent.

Le jeune en face de moi me croit sur parole qu'avec moi, un animal ne ferais pas long feu. Je n'étais pas du tout l'ami des bêtes et pourtant, j'avais dû partager l'étable de plusieurs animaux lors d'un séjour en Roumanie. Avec moi, même une plante verte pourrait crever ! Une chance que je prenne soin de mes neveux et nièces, je les avais toujours rendus entiers et en bonne santé à mes frères et sœurs. J'écoute ce qu'il me dit, sans le quitter du regard. « Une chance pour moi, je ne suis pas nul avec tous les êtres vivants, j'ai toujours rendu mes neveux et mes nièces en parfait état de marche. » Je lui fais un sourire, j'avais fait exprès de choisir ce mot, j'aimais mes neveux et nièces plus que tout.

J'accepte d'accompagner ce garçon à la clinique, mon rendez-vous venait d'être annulé et l'avenir du poisson n'était pas fou, ça serait un miracle qui ne meurt pas dans les secondes à venir et ce garçon allait avoir besoin de quelqu'un, même d'un étranger. Il avait l'air de vraiment tenir à son poisson. « Je ne peut être que d'accord avec toi...mais...je ne suis pas l'élève le plus sérieux de la Terre... » J'étais même une calamité en tant qu'élève, certains se demandaient même comment j'avais fait pour être admis Juilliard, je n'avais qu'une seule réponse à leur donner : Juilliard ne pouvait pas ne pas m'accepter, ils avaient eu de la chance de m'avoir !

Nous entrons dans la fameuse clinique et nous allons directement vers l'accueil, l'hôtesse nous accueil avec un sourire, un sourire qui disparaît quand elle voit l'état du pauvre poisson rouge. Il semble cependant être connu, car elle l'appelle le gamin par son nom de famille "Backer" je connais ce nom de famille ? Mais je ne me souviens plus où l'avoir entendu. Mais je réalise que Backer est un nom de famille que beaucoup portent, comme le mien. La demoiselle à l'accueil part rapidement, après avoir lancé un regard encourageant à Backer. Elle revient tout aussi vite et met des choses en place pour sauver ce poisson. Elle le questionne, je ne sais pas du tout de quoi il parle, il pourrait tout aussi bien parlé une langue totalement étrangère. Mais les petites tentatives ne servent à rien. Le poisson pousse son dernier "souffle" avant de tomber sur le côté, mort.

J'ai quand même de la peine pour ce garçon, la mort de son poisson lui fait beaucoup de mal, il a le visage décomposé et triste. Je pose une main sur l'épaule de Backer, certes nous ne nous connaissons pas, mais il n'est pas totalement seul. L'hôtesse d'accueil nous regarde à tour de rôle et nous dit "Nous pouvons garder le corps si vous le souhaitez" Je pose ma main sur le bocal du poisson, pour qu'il finisse dans les chiottes ? Non merci ! Encore une fois, je garde cela pour moi. « Non ! Nous allons nous en occuper. »

Si Orion n'avait pas été si mal, il aurait presque pu rire de ses bêtises. Et il n'était visiblement pas le seul à s'amuser puisque très vite son interlocuteur -dont il ne connaissait toujours pas le nom- entra dans le jeu lui aussi. Et s'il ne savait toujours pas son nom, ça ne l'empêchait pas d'en apprendre un peu plus sur lui. Et donc, en plus de ne pas savoir s'occuper d'un animal, il n'était pas non plus un élève très appliqué. Mais au moins, il savait prendre soin de ses neveux et nièces. b]"Une chance pour toi, tu aurais eu quelques légers problèmes avec les parents, non ?..."[/b] Ceci expliquant d'ailleurs peut-être cela !

Mais cela le faisait sourire alors qu'il n'aurait dû en théorie ne penser qu'à Orion... Qui vivait clairement ses derniers instants. Mais il était déterminé à tout tenter, d'autant que la clinique n'était qu'à quelques pas. Sauf que face à l'inéluctable, rien n'était jamais suffisant. Et il s'y retrouva rapidement confronté malgré tous les efforts déployés pour éviter le pire. C'était... peine perdue. Orion avait fini par mourir. "Eh bien, il aura eu une fin de vie plutôt agitée..." Et ce fut bien tout ce qu'il trouva à dire alors qu'il observait le corps de feu son poisson rouge à travers le bocal. Avant que la main de son sauveur de quelques minutes ne vienne se poser avec douceur sur son épaule. C'était... gentil. Inattendu et gentil. Avec un sourire quelque peu dépité, il haussa vaguement les épaules tout en concluant. "On aura essayé." Parce que c'est ce qu'ils avaient fait, ils avaient essayé. Sans réussir.

Se détachant du bocal, il allait répondre à l'assistante vétérinaire lorsque l'inconnu -et il allait vraiment devoir lui demander son nom !- posa une main péremptoire dessus. Le surprenant tout autant que l'employée qui se ressaisit cependant rapidement. "Très bien, je vais aller chercher une petite boite." Le tout avec un sourire encourageant auquel il répondit par un autre bien plus mesuré. "Merci." Elle revint peu de temps après avec une boite d'allumettes tapissée d'un mouchoir en papier, et plongeant sa main dans le bocal, elle récupéra le poisson pour l'enfermer dans la boite. "Essayez d'en prendre un qui ne soit pas malade cette fois-ci. Il vivra plus longtemps." "Oui, je vais tenter de faire ça. Mais il était malheureux tout seul dans son coin alors... En tout cas merci." La boite d'allumettes en main, ils quittèrent la clinique pour se retrouver étrangement dans la même rue animée, mais avec une boite d'allumettes à la place d'une bouteille d'eau.

Et c'était suffisamment déroutant pour avoir envie de rapidement passer à autre chose ! Il alla donc jusqu'à sa voiture pour y déposer avec soin sa boite d'allumette avant de se tourner vers son invité du jour. "Et si tu me disais ton nom ? Que je sache à qui je vais offrir un verre..." Parce qu'il comptait bien tenir sa promesse ! "Moi, c'est Joey Backer. Bon, pour le Backer, tu savais déjà. C'est que je suis connu comme le loup blanc à cette clinique, et toujours pour mon poisson." Apparemment, ce n'était pas si commun que de venir faire soigner son poisson... Les gens préférant les laisser mourir. Chose qu'il avait bien du mal à comprendre... Et tout en parlant, il commença à avancer à la recherche d'un café où ils pourraient s'installer au chaud.