Le réveil était difficile. Il n'avait aucun idée de l'heure qu'il pouvait être, ni même de ce qu'il devait faire aujourd'hui. Mais avec un peu de chance, ce serait le week-end et il n'aurait pas besoin de passer un coup de fil à sa secrétaire pour repousser ses rendez-vous. Quoique elle ne l'avait pas encore appelé, ce qui était plutôt bon signe. Quoi qu'il ait pu faire la veille, il avait de toute évidence trop forcé. Il se donna cependant le temps de naviguer encore un peu entre le sommeil qui le retenait encore et l'éveil qui appelait sa conscience, tout en laissant ses sens remplacer sa mémoire qui lui faisait définitivement défaut.

...Ce n'était pas son lit. Ni à la villa, ni même celui du Bunker.

Il y avait un truc qui clochait, son bras lui faisait mal et ouvrir les paupières lui semblait être un effort si incroyablement monstrueux qu'il n'y parvenait juste pas. Mais qu'avait-il fait la veille ? Des bières -même plusieurs- ne l'auraient pas mis dans un tel état. Le Bourbon, il le buvait chez lui alors quid de ce lit ? Et... C'était trop compliqué de réfléchir alors que le sommeil l'appelait à nouveau. Et il se serait bien laissé sombrer si la voix de Kara ne lui était pas parvenue de très, très loin. Quant à savoir ce qu'elle disait, c'était impossible à définir. Mais sa fille était là, quelque part. Et ce fut ce qui le poussa à faire un effort supplémentaire pour sortir un son. Sa bouche était pâteuse et ce qu'il pu sortir ressemblait bien plus à un grognement qu'à une réelle syllabe, mais il avait pu faire quelque chose ! Tentant de se débarrasser des limbes de l'inconscience qui l'agrippait, il dû batailler ferme pour entrouvrir ses fichues paupières qui pesaient une tonne chacune. Avant de les refermer aussitôt. Quoi qu'il avait pu faire la veille, il était dans un sale état ce matin. Si on était le matin.

Une nouvelle fois, il tenta de reprendre le dessus mais en bougeant cette fois-ci. Son bras lui faisait mal et lorsqu'il essaya de le bouger, des... fils ? y étaient attachés ?!... Il devait se réveiller et sortir de cette ouate cotonneuse qui lui embrumait l'esprit ! Et ce ne fut pas sans mal alors qu'il avait toutes les peines du monde à émerger. Mais tout était dans le mental, même lorsqu'il s'agissait de se battre contre son propre corps ! Ouvrant péniblement une nouvelle fois les yeux, il put s'exprimer intelligiblement cette fois-ci. "Mais... Qu'est-ce que... Passé... ?" Bon, presque intelligiblement. Mais il était épuisé alors qu'il luttait pour parvenir à garder les yeux ouverts et prendre la mesure de son environnement.

Loin d'être à la villa ou au Bunker, il se trouvait être dans une chambre d'hôpital... Mais qu'est-ce qu'il faisait là ? Il n'en avait strictement aucune idée. Tout comme il n'avait aucun souvenir de la façon dont il s'était retrouvé dans cette chambre, apparemment bien fournie en objets de toutes sorte. Trop d'objets et trop d'informations pour qu'il parvienne à faire le tri dans l'immédiat. Mais il pouvait au moins en déduire sans trop de difficulté qu'il n'était pas arrivé la veille... Pour le reste, c'était le grand blanc. Et l'envie irrépressible de replonger dans le sommeil.

Ce fut une nouvelle fois la voix de Kara qui le maintint à flots. Bien plus nette et assez distincte pour qu'il en saisisse les propos. Sans parvenir pour autant à faire un quelconque lien avec sa situation dans cette chambre, son cerveau fonctionnant à la vitesse d'un escargot neurasthénique suicidaire... Rien que de rester éveillé lui demandait un effort incroyable. Et pourtant, il parvint à tourner la tête vers sa fille pour lui sourire. Elle était là... Sa Princesse. Et il manquait quelqu'un. Restait à savoir qui... S'obligeant à réfléchir, l'image de mèches trop longues et mal peignées lui vint aussitôt à l'esprit en même temps que le mot coma se frayait difficilement un chemin dans son esprit... Doucement, les choses prenaient un sens et sa capacité de réflexion à l'image d'un engrenage se remettait lentement en branle... "Coma ?... Redis-moi pourquoi je suis là ?" Avant qu'il ne demande, avec bien plus de préoccupation. "Et où est ton frère ?" Parce que c'était en cet instant ce qui l'inquiétait, bien plus que cette notion de coma qu'il avait encore du mal à appréhender complètement. Il savait qu'il manquait son fils autour de ce lit !

Ce fut là que la porte de sa chambre s'ouvrit non pas sur le Chevelu mais sur une infirmière qui après un temps d'arrêt, se mit soudainement à lui sourire. "Oh... Monsieur Davidson ! C'est un plaisir de vous voir revenir parmi nous. Comment vous sentez-vous ?" Un peu surpris par la question, il finit par répondre... La vérité ! "Ralenti. J'ai du mal à associer deux idées ensembles même si ça semble aller un peu mieux. Et... Je me souviens pas comment je suis arrivé ici." Est-ce qu'il devait s'en inquiéter ? Soudainement, ça lui semblait très important ! Et cela malgré le sourire doux et rassurant de la jeune femme qui s'approchait de son lit pour lui prendre sa tension. Visiblement correcte alors qu'il réalisait enfin ce qu'étaient ces fils auxquels il avait eu la sensation d'être attaché. Le brassard du tensiomètre et sa perfusion. "C'est que vous venez juste de vous réveiller, laissez-vous un peu de temps... Je vais aller prévenir le médecin pour qu'il vienne vous voir." La remerciant d'un signe de tête, elle sortit sur un dernier sourire encourageant avant qu'elle ne referme la porte sur elle et qu'il ne tourne son regard vers Kara. Regard qui accrocha le fauteuil et la petite silhouette installée dessus. La silhouette d'un fantôme qu'il n'aurait jamais pensé revoir... Et alors qu'il perdait toutes ses couleurs, sa somnolence soudainement envolée, il souffla d'une voix devenue blanche. "...Brian ?"

La venue de l'infirmière avait apporté le temps de sa prise de tension une certaine normalité plus que bienvenue. Il était à l'hôpital, on venait lui apporter des soins. Jusque-là tout allait bien. Et sa fille, sa Princesse, était venue lui rendre visite. Ca aussi, ça lui semblait logique et normal. Au point d'en sourire avant de batailler avec cette sensation de manque dérangeante... Et un sentiment de malaise diffus qui s'emparait à nouveau de lui... Le coma. Il lui fallait se laisser un peu de temps pour que tout revienne à la normale... Et il était d'accord avec ça. Ou pas.

Son regard venait d'accrocher la petite silhouette sagement assise sur le fauteuil... Brian. Qui n'aurait jamais dû être là parce qu'il avait accepté qu'on le dépèce pour ses organes. Pour sauver d'autres enfants, mais... Jamais la culpabilité ne le quitterait tout à fait, il le savait. Alors soit il était devenu fou, soit... Il avait atterrit dans une autre dimension ! Le regard scotché à l'enfant, il sentait son cœur s'emballer alors que son cerveau buguait à nouveau, sur une seule et unique pensée. "Mon Dieu, Marie aide-moi... S'il te plait ! Marie..." Sa femme, sa douce Marie au si beau sourire et au rire si plein de vie, avait toujours su mieux que lui. Elle avait toujours été son point d'ancrage, à lui, aux enfants et... "Papy est réveillé ?"

...Mais c'était quoi ce cauchemar !?

Parce que ça ne pouvait être qu'un cauchemar... N'est-ce pas ? Personne ne devrait avoir à vivre ça, et surtout pas après tout ce qu'il avait déjà vécu... Pas même lui !

Papy... Encore. Mais cette fois-ci répété par sa propre fille... Il ne comprenait pas. Son cerveau refusait de comprendre. Et des milliers de questions, bien sûr qu'il en avait ! Comme si c'était le moment de se ménager ! "Mais enfin, Kara, bien sûr que..." Et ça tomba, le coupant net... Ton petit-fils.

Ce fut comme un électrochoc. Mais surtout son regard se décrocha enfin de... du faux Brian pour venir se poser sur le ventre -décidément bien plat- de sa fille. Avant de revenir tel un aimant se scotcher à... cet enfant. Ce grand enfant. Mais... "Mais ça fait combien d'années que je dors..." La question avait été posée plus à lui-même qu'à n'importe qui d'autre dans cette pièce. Alors que son esprit refusait de mettre un âge sur cet ersatz de Brian qui le fixait en retour. Trop de ressemblances et un hiatus bien trop important avec ce qui avait été sa réalité. Son fils mort, mais respirant grâce au respirateur alors qu'il avait signé les papiers pour le tuer, définitivement... "Marie, pardonne-moi... Pardonne-moi..."

C'était un cauchemar... Mais un cauchemar bien réel alors qu'il levait un regard vide sur sa fille, certainement aussi vide que toutes ces années qu'il n'avaient pas vécues, et qu'il demandait d'une voix atone. "Combien d'années, Kara..."

Trois mois de coma. C'était trois mois de trop ! Mais au moins il n'avait pas perdu des années à dormir pour se réveiller aussi fatigué que s'il avait passé trois nuits blanches d'affilées à travailler sur un dossier. Parce que ce n'était plus un hiatus qu'il y avait avec l'enfant en face de lui mais carrément une césure ! "Il n'a pas trois mois." C'était l'évidence même. Et c'était bien ce qui rendait les choses si compliquées, son âge... Qui devait être à peu de chose près le même que celui de Brian à son décès. Ce n'était guère étonnant que les souvenirs l'aient submergé lorsqu'il avait posé les yeux sur lui... Associé au fait qu'il se réveillait d'un coma, il y avait effectivement de quoi se croire en Enfer.

Et il avait beau avoir le cerveau quelque peu ralenti, il était clair que rien ne collait dans toute cette histoire. Parce que depuis son retour à San Diego, il se serait rendu compte de la grossesse de sa fille, ce qui n'avait pas été le cas. C'est que si ses souvenirs étaient toujours aussi flous -voire même carrément inexistants !- sur les raisons qui l'avaient amené dans cette chambre d'hôpital, la mémoire ancienne fonctionnait elle très bien ! Dieu merci. Il y avait donc un gros, et il pesait bien le mot sur le "gros", problème de temporalité. Il restait donc toujours la possibilité d'une chute dans une autre dimension mais l'attitude de Kara n'avait rien de particulièrement naturelle. Et tout de l'enfant ayant fait une grosse bêtise... D'où ses explications qu'elle donnait au compte-goutte, jusqu'à son désir à vouloir les reporter à plus tard. Pour sa santé bien sûr ! Elle le prenait vraiment pour un lapin de six semaines.

Ne se préoccupant pas de sa pauvre tentative pour changer de sujet, pas plus de la question de l'enfant, il en retint surtout un mot. Celui qui expliquait tout à lui seul. Pennsylvanie... Le reste s'enchaîna à la façon d'une horloge égrainant les secondes, les minutes puis les heures. Le grand malade... La séquestration... Le, ou plus sûrement, les viols.

...Dieu, mais que faisait cet enfant ici !???

"C'est une trace, ça ? On n'a pas tout à fait la même définition d'une trace..." Il ne voulait pas pointer l'enfant du doigt mais il était évident que celui-ci ne perdait pas une miette de leur discussion. Une discussion qu'ils auraient dû avoir entre adultes, et depuis bien longtemps déjà. Parce qu'on n'arrêtait pas le temps. Et comme les aiguilles d'une horloge, ses pensées poursuivaient leur chemin... La grossesse et la naissance cachées... L'enfant placé il ne savait où... Le retour de Kara à San Diego... Et son silence. Son silence... Jamais, pas une fois, elle ne lui en avait parlé. Et il était censé être son père. Celui censé être présent pour elle en cas de petit bobo ou de gros coups dur... Il avait failli. Encore.

Et c'était une sacrée blessure narcissique. Un "papy" qui n'avait jamais vu son petit-fils de sa vie ! Parce que sa fille n'avait jamais jugé bon de lui en parler. De lui parler de son problème et de venir chercher de l'aide auprès de lui. Même lorsqu'ils étaient parvenus à améliorer leur relation, du moins le croyait-il... Dieu ! Mais quel père était-il au final ? "Tu me l'as caché pendant toutes ces années. Et pas une fois, tu ne m'as parlé de lui. Pas une fois... Je ne savais même pas qu'il existait avant... Il y a cinq minutes. Et je dois soudainement devenir son "papy" ? Juste parce que... Tu as soudainement changé d'avis ?" Est-ce qu'il devait en rire ? Ou en pleurer ?

J'avais enchaîné pas mal d'heure aux urgences et je préviens mon équipe que je vais dormir un peu et qu'ils n'hésitent pas à venir me réveiller en cas de soucis, je précise qu c'est en cas de force majeure, j'ai besoin de me reposer un peu. Une fois dans la salle, je m'allonge sur l'un des lit et le sommeil arrive très vite. Quand une infirmière vient me réveiller, je ne sais absolument pas combien de temps j'ai dormi, mais malgré une petite fatigue, je me sens plutôt bien reposé. « Cas de force majeur? » Je lui demande cela les yeux fermés, si je peux encore gratter quelque temps de sommeil, je suis preneur. « Heu...non...mais c'est votre oncle, il vient de se réveiller... » Mes yeux s'ouvrent tout de suite et en quelques secondes, je suis debout et déjà en direction de la chambre de Lance. Cela fait des mois maintenant trois mois qu'il avait été agresser et trois également qu'il était plongé dans le coma. Il n'y avait aucune explication médicale à son coma, il allait bien, mais impossible pour lui de se réveiller. Cela arrive parfois, lors d'un choc brutal et en étant agressé chez lui, le choc avait été plus que brutal pour Oncle Lance.

Tout en courant en direction de la chambre de mon oncle, je pose des questions à l'infirmière, elle m'apprend que Kara est dans la chambre avec Lance, que la tension de Lance est très correcte, qu'il est cohérent dans ses propos et que surtout, il est bien réveillé. Ce ne sont que des bonnes nouvelles, bien que Lance va avoir des examens à faire et il va avoir besoin de repos et de calme, même s'il dort depuis des mois. J'arrive devant la porte de chambre et je vais pour ouvrir, mais je suis stoppé dans mes mouvements, choqué par l'ambiance qu'il semble y avoir dans la chambre. Encore une fois, Kara pique une crise, décidément, je vais croire qu'elle ne sait rien faire d'autres. Elle parle de Conrad et de ses parents et de la maladie de l'enfant. Lance n'a pas du tout besoin de cela, il vient de se réveiller, il a besoin de came et Kara ne s'arrête pas là, elle continue, je décide d'entrer dans la chambre, après tout, Lance est mon patient et hors de question que l'on traite mon patient de la sorte.

Oncle Lance est bien réveillé, il a l'air un peu perdu, en même temps avec les choses que Kara vient de lui balancer, ce n'est pas si étonnant. Le reste de la famille n'était pas dans le coma, mais nous sommes tous dans le même état de Lance. « Tu es au courant que tu n'as aucun droit sur cet enfant ? Légalement, sa mère est la seule responsable légale... » Il ne pouvait pas aller à l'orphelinat, il n'était pas orphelin, il avait une mère. Et la loi, c'est la loi, on ne fait pas n'importe quoi. Il allait être placé sous la protection de l'aide sociale à l'enfance et la mère de l'enfant allait devoir être retrouvé, dans un premier temps. Mais bon, je n'étais pas là pour faire une leçon sur les lois à Kara, bien que je pourrais très le faire. J'étais là pour prendre soin de patient et m'assurer qu'il allait bien. « Je te demanderais de ne pas piquer une nouvelle crise ici, ce n'est toujours pas lieu, ni même le moment. Lance Davidson et mon patient, il a besoin de calme et de repos et je mettrais dehors quiconque pourrait nuire à ses besoins. » Les choses dites à Kara, je m'approche d'Oncle Lance, seul lui m'intéresse.

Je suis content de le voir de nouveau parmi nous, pour quelqu'un qui sort du coma, il n'a pas si mal en point, mais il n'a pas l'air en forme non plus. Je lui souris et je ne peux m'empêcher de le serrer dans mes bras. Avant de me dire que je lui fais peut-être mal, je me recule. « Désolé...tu nous a beaucoup manqué... » Je reprends la tension de Lance, qui est un peu élevé, j'écoute son coeur, je lui demande de suivre mon doigt avec uniquement ses yeux et je lui demande de faire quelques mouvements, qu'il a du mal à faire. « Ne t'inquiète pas, c'est normal, il va te falloir un peu de temps avec de retrouver des mouvements corrects, des séances avec un kiné d'aiderons. » Je lui fais un sourire et je lui prends la main. « Je vais t'emmener faire quelques examens, un simple contrôle de routine. L'infirmière m'a dit que tu avais des troubles de mémoire...quel ai ton dernier souvenir ? » J'ai besoin de savoir où en est sa mémoire. « Tu vas aussi me donner ton prénom, ton nom de famille, ton âge, ta date de naissance, le lieu de ta naissance et l'année où nous sommes actuellement...dans cet ordre-là... » Alors certes, c'est très simple, mais ça peut ne pas l'être pour quelqu'un qui sort du coma. J'ai besoin de savoir, si son cerveau réagit correctement à de simples questions.                
 

Mais à quoi s'attendait sa fille ? A ce qu'il la félicite ? Après 7 ans de silence, 7 ans de mensonge, il devait prendre avec le sourire un enfant qu'il n'avait jamais vu, ni même jamais entendu parler ?! Mais dans quel monde vivait sa fille ?... Ce qui ne l'empêcha pas d'écouter avec attention ses explications. Comme des pièces de puzzle qui reconstituait la vie de sa fille. Une fille qu'il découvrait sous un jour nouveau, et sa vie qu'il n'aurait même jamais imaginée... Et soudainement bien des choses s'expliquaient quant à leur relation désastreuse.

Parce que leur relation était toxique, pour l'un comme pour l'autre. Il suffisait de voir avec quel naturel, elle s'était adressé à l'enfant pour lui faire savoir que "Papy est toujours en colère contre moi." A la façon d'une enfant martyrisée par son père... Ce qui était apparemment l'image qu'elle répandait de lui. Et c'était un sacré coup dur. Sa Princesse... Qui se plaignait d'être maltraitée par lui. Ouvrir les yeux, au propre comme au figuré, n'avait vraiment pas été quelque chose de simple... Quoiqu'il n'était pas sûr d'avoir récupéré toutes ses capacités cognitives parce que quelque chose lui échappait au sujet de cet enfant. Celui-ci venait de perdre son père mais loin de pleurer toutes les larmes de son corps, il s'inquiétait pour un "papy" qu'il n'avait jamais vu ? Au point de coller du "papy" à chaque bout de phrase ?... Il en fut d'ailleurs presque soulagé lorsqu'il fut amené hors de la chambre tant il trouvait cela dérangeant. Ca, et sa ressemblance frappante avec Brian... Et le fait que sa fille puisse sembler l'aimer à la folie alors qu'il restait le fruit d'une séquestration et d'un viol. Tout en assurant calmement qu'il pouvait mourir à tout moment de sa leucémie...

Mais quand était-il tombé dans une autre dimension ? Mais s'il voulait amener un peu de raison dans tout cela, il lui fallait prendre les choses dans l'ordre. "Kara... Visiblement, je ne suis pas à la hauteur de tes attentes. Par contre moi, je ne peux pas faire avec ma fille répandant autour d'elle que je la maltraite. Ce n'est pas l'image que j'ai de ma Princesse, et c'est surtout pas l'image que je veux garder de toi dans mon cœur." Alors qu'il rajoutait, histoire d'apporter un peu de nuance dans son discours manichéen. "Et pour rappel, à l'époque tu ne voulais toi non plus ne pas avoir affaire à moi. Tu es même la fautive parce que tu m'as caché les choses." Et qu'il n'était donc pas en mesure de prendre les décisions en toute connaissance de cause... Pour une avocate, ça devrait lui parler ! "Quant à mon "fils spirituel", il ne se plaint pas de moi, lui." Même si en vérité, Miguel était bien plus qu'un simple fils spirituel. Tellement plus ! Et pas seulement parce qu'il portait le cœur de Brian...

Restait l'enfant. L'enfant, parce qu'il avait oublié son prénom à peine entendu et parce qu'il n'arrivait pas à dire "son fils". "Kara, il n'est plus ton fils. Du moment où il a été adopté. Il a légalement une mère et les service sociaux vont la rechercher. Tu n'es plus rien pour lui." Il y avait des actes dans la vie sur lesquels il était impossible de revenir en arrière. Comme lorsqu'il avait abandonné sa fille aux soins de son beau-frère et de sa belle-sœur pour préserver la vie de sa fille... Propos qui furent entériné par la voix de Grincheux entré dans la chambre sans même qu'il s'en aperçoive. Il était donc son médecin. Ce qui était une très bonne chose pour sa santé, il confierait ses enfant les yeux fermés à Grincheux en cas de problème ! La contrepartie étant qu'il allait l'avoir sur le dos pour un certain temps. Mais pour le moment, il apprenait encore des choses alors qu'il fixait Kara, soudain inquiet. "Tu as piqué une crise ?" Le coma n'était donc clairement pas une chose à tester, surtout lorsqu'on avait Kara Davidson comme fille !

Il ne s'était cependant pas attendu à la suite ! C'est qu'il se retrouva avec son médecin -à savoir, Grincheux !- dans les bras... Avant qu'il ne lui tapote maladroitement le dos en cherchant à le rassurer. "T'inquiète pas, ça va aller, je suis réveillé..." Alors que son regard accrochait une nouvelle fois -et de façon bien plus consciente- le ballon rose à l'effigie de la Belle au Bois dormant accroché au pied du lit. Et poursuivant le tour de la chambre du regard, après avoir vu le plaide de Kara sur le fauteuil, il prit note d'un livre propre et soigné posé sur la table de nuit et pratiquement lu au vu du joli marque page qui en dépassait. A côté d'un papier et d'un stylo au logo militaire de de qu'il pouvait en voir parce que Grincheux s'éloigna de lui pour reprendre sa casquette de médecin. Et qui commençait déjà à lui prévoir tout un tas d'examens... Quant à son amnésie, il aurait bien voulu pouvoir récupérer ses souvenirs ! "Donc c'est... Quand je me tenais devant le piano de cuisson à préparer la bolognaise pour les pâtes. J'attendais Kara et Joey. Et après plus rien jusqu'à mon réveil ici. Mais se faire tirer dessus, on est quand même censé s'en rappeler !" Quant aux questions suivantes, il n'eut aucune difficulté à répondre à l'exercice.

Au point qu'il en finisse sa conversation toujours en cours avec sa fille. Et ce n'était pas la discussion la plus facile à avoir mais il l'estimait nécessaire pour la suite de leur relation. "Et pour te répondre Kara, tu lui as déjà donné une famille, je n'ai donc pas à être son "papy"." Et il avait ses limites. Le géniteur de cet enfant avait séquestré et violé sa fille, en plus de tenter de le tuer ! Aucune assistante sociale ou éducateur normalement constitué n'aurait cette idée..."A mon tour maintenant, et ce ne sera pas un choix. Tu reviendras me voir et je t'accueillerais à bras ouverts, le jour où tu cesseras de me faire passer pour le méchant." Si sa fille n'était pas capable d'avoir une relation saine et non toxique avec lui, alors il cesserait de la voir. Aussi difficile que ça allait être, c'était pour leur bien à tous les deux. Et ce ne serait pas la première fois qu'il prendrait une telle décision.

L'autorité parentale n'était pas une chose qui se perdait si facilement. Même les tueurs en série ou les parents maltraitants ne la perdaient pas ! On leur retirait l'enfant mais celui-ci gardait légalement ses parents. Alors une mère qui avait fui devant la maladie de son enfant certainement par peur de devoir faire face à son décès, elle allait surtout être aidée. Et c'était une bonne chose pour cet enfant de savoir qu'il y aurait toujours quelque chose de fixe dans sa vie, ses parents. Ou du moins sa mère puisqu'il ne lui restait plus qu'elle. Et cela quoi que pouvait en dire Kara ou tous les bien-pensants de la Terre, parce que la Justice n'était pas une affaire de morale mais de Droit.

Mais sa fille semblait mélanger beaucoup de choses lorsque ça la touchait personnellement. A commencer par son sentiment de spoliation parce que son temps de présence auprès de son lit... n'était pas reconnu ? "Pourquoi, tu pensais obtenir une récompense ? Mais enfin Kara... On ne vient pas voir son père dans le coma pour avoir un bonbon à la fin !" Parfois, les réflexions de sa fille le sidéraient. "Et oui, je ne suis pas d'accord avec toi quant au devenir de cet enfant. Mais est-ce une raison pour en faire un crime d'Etat ?... Ce n'est pas parce qu'on te dit non qu'on ne t'aime plus." Et il avait juste l'impression de s'adresser à une adolescente, et non à une jeune femme bien établie dans sa vie d'adulte.

Il était donc évident que ce ne serait pas aujourd'hui que Kara allait remettre en question quant à sa façon de fonctionner avec lui. Mais ce n'était pas si grave. Ils habitaient et travaillaient dans la même ville et avait à peu de choses près, le même réseau social. Ils se croiseraient forcément et cela lui permettrait de s'assurer que tout allait bien pour elle. Pour le reste, il supposait qu'il fallait juste la laisser grandir ?... Et puis, il avait étonnamment obtenu ce "Je t'aime" et "Prends soin de toi" accompagné d'un baiser sur son front qu'il conserva tels des perles, bien précieusement dans sa mémoire et son cœur.
Sa fille était en guerre contre tout et tout le monde -et spécialement lui !- mais dès qu'elle accepterait de déposer les armes, sa vie ne pourrait qu'en devenir plus belle... "Moi aussi, je t'aime Kara..."

Il la regarda donc partir avant d'en revenir au moment présent. Parce qu'il lui restait à affronter un problème bien plus ardu. Regardant Grincheux, il demanda tout sourire, dès fois que ça aiderait ! "...Je sors quand ?" Et il accentua davantage le sourire ?

Heureusement que Lance était là pour entendre la même chose que moi, sinon je pourrais croire que nous sommes dans une autre dimension ou alors dans un monde où il n'y a plus aucune loi. Kara est pourtant avocate, mais elle ne semble pas du tout être au courant de certains textes de lois de notre beau pays. Et le pire, c'est qu'elle nous fait une pseudo-morale. « Vu comment tu as l'air de connaître le tiens, merci de rester loin de mes patients. » Après elle fait peut être une blague, je sais qu'Oncle Lance à du mal avec toute forme d'humour et moi parfois, j'ai du mal aussi avec cela, bien que j'ai beaucoup changé et que je ne prends plus tout au pied de la lettre. « Pour ta gouverne, les enfants sont protégés, Dieu merci et les parents ont certes des droits, mais surtout un tas de devoirs. Quand un parent reconnaît son enfant, lors d'une naissance ou d'une adoption, il s'engage auprès de cet enfant et il n'a pas du tout le droit de se défaire de cet engagement. La justice ne le permet pas, ils doivent assumer leur rôle de parents. Ce n'est pas aux parents de décidé de se retirer l'autorité parentale, mais à la justice et crois moi, la justice ne retire pas l'autorité comme cela, surtout face à une mère qui pourrait être complétement perdu face à la maladie de son enfant. Pour Conrad, son père et certes décédé, mais il a une mère et la juste le placera sous protection de l'aide sociale à l'enfant, le temps de trouver la mère et de mettre un procès en place si besoin...je pourrais encore te parler du processus pendant longtemps, mais...je travaille. » Je n'aime pas du tout quand les gens disent ou parle de chose qui ne semble pas connaître. La justice applique la loi et personne ne peut être placé au-dessus des lois.

Pour la suite des échanges entre Kara et Lance, je n'interviens pas, mais les propos de Kara me laissent sur le cul. Après cet échange, Kara décide de partir et après avoir salué son père, je me retrouve en tête-à-tête avec mon Oncle Lance. Je le regarde et je lui fais un sourire, cela fait vraiment plaisir de le voir les yeux ouvert et parlé. Nous avons tous passé tellement de temps dans cette chambre et n'espérer qu'une chose, qu'il se réveille, nos prières ont été exaucés, oui Miguel va dire que c'est le tout-puissant qui a aidé Lance à se réveiller et il admettra que la médecine y est aussi pour quelque chose, mais qu'un tout petit peu.

Oncle Lance avait répondu correctement à mes questions et c'est avec un grand sourire qu'il me parle de sa sortie. « Si tout vas bien, dans quelques heures... » Quand je vois son sourire ravi, je pose ma main sur son épaule. « Je te taquine...tu ne pourras pas sortir avant plusieurs jours, tu vas rester en observation... » Après un coma, on ne sort pas comme cela de l'hôpital et il allait avoir des rendez-vous médicaux régulièrement et des séances de kiné. « Mais tu n'est pas si mal ici, tu as une belle chambre décorée, tu vas avoir de la visite et en plus, tu as un super piston à l'intérieur...moi...tu peux être sûr de bien manger. » Je lui fais un petit sourire, j'essaie de lui montrer les bons côté que d'être ici.                     
 

Grincheux avait de la constance, lui avait abandonné. Et il connaissait assez sa fille pour savoir que Kara n'écouterait pas. En fait, il y avait même toutes les chances qu'elle se sente persécutée juste parce qu'ils tentaient de mettre un peu de raison -et de rappel à la loi- dans tout cela. La suite lui donna d'ailleurs raison. Mais pour une fois, il ne s'en plaignait pas, tout cela allait bien trop loin avec cet enfant abandonné puis récupéré au gré des envies de sa fille... Et que dire de son attitude envers lui ? Parce que lui aussi aurait dû se plier à ses exigences sans broncher ? C'était bien mal le connaitre ! Mais Dieu, à quoi jouait sa fille ?!

Bien que pour le moment, il avait surtout son médecin avec qui négocier sa sortie. Il allait bien hormis ses petits problèmes de mémoire mais Grincheux allait s'occuper de cela, n'est-ce pas ? "Quelques heures ?! Oh, mais c'est magnifique ! Il faut que je passe à la Nanot voir si tout est encore debout. Et toi pendant ce temps-là, tu me trouves une solution pour que je puisse retrouver au plus vite mes souvenirs !" C'était ce qui s'appelait faire du travail d'équipe ! Et finalement si on ne tenait pas compte de sa fille, il aimait bien cette nouvelle dimension. Il avait donc de quoi afficher un sourire particulièrement ravi alors qu'il se redressait et s'apprêtait à virer les couvertures pour se lever. Avant d'être retenu par un Grincheux en mode... Pas du tout désolé ! "Plusieurs jours... Observation... Je préfère la première option ! Celle de quelques heures parce que pour rappel, j'ai quand même passé trois mois ici. T'as eu le temps pour tous tes examens, non ?" Ce n'était bien sûr qu'un baroud d'honneur puisque bien vite, il reposa sa tête sur l'oreiller tout en soupirant.

En vérité, tout le stress de sa confrontation avec Kara soudainement évacué, il se sentait assez fatigué. Un comble pour quelqu'un qui venait de se réveiller d'un sommeil de trois mois ! "Et tu sais pourquoi je suis resté si longtemps dans le coma ? Par contre, j'ai apparemment eu beaucoup de visites... C'est un jeu de piste ?"  Désignant le livre au joli marque-page qui était resté sur la table de nuit, puis le stylo, il commenta. "Parce que je dirais Atchoum à cause de la petite perle au bout du marque-page, c'est très féminin. Ou Blanche-Neige... Quoique vu le roman, plus Atchoum ! Jayden forcément, c'est écrit sur le stylo, et le ballon... Soit le Gremlins, soit le Chevelu. L'un comme l'autre, ce serait tout à fait leur style !" Poursuivant sa quête, il ouvrit une petite boite en velours rouge et en forme de cœur avant d'en sortir un... String blanc marqué d'une croix rouge roulé en boule. "Alors ça... C'est une de tes infirmières qui en a fait cadeau au Casanova de pacotille ! Pourquoi j'ai ça sur ma table de nuit ?! Tu rendras ça à sa propriétaire." Visiblement, il y en avait un qui s'était bien amusé ! "Et au moins j'aurais de la musique à écouter" Alors que l'air de Carmen s'élevait des écouteurs. "Alors ça, c'est le Chevelu ! Tu aurais dû voir la tête de ton frère quand je lui ai fait écouter la Traviata. On aurait pu croire qu'on l'emmenait à l'échafaud. Au moins le Chevelu sait apprécier la bonne musique, lui !... Je l'emmènerai à l'opéra. Dès que je sors d'ici, je nous programme ça !" Tout en oubliant que les écouteurs n'étaient pas là pour faire joli...