Jeudi 11 juillet 2024. Un jour à marquer d'une croix blanche sur le calendrier. C'est le début du procès de William. Kara ne voudrait qu'une chose : que ça se termine par une injection létale. Si seulement... Ils ne sont pas dans un état où il y a la peine de mort. Et de ce fait, et bien, ça n'arrivera pas. Elle ose espérer, toutefois, qu'il prenne perpétuité. Sans possibilité de remise de peine. Meurtre, tentative de meurtre, tentative d'enlèvement, coups et blessures ... Oh oui, il va prendre cher. Pour un moment. Parce qu'il n'est pas fou. Même s'il peut paraître dingue, il n'est pas fou. Et la demoiselle va faire son possible pour pas qu'on l'envoie, justement, en institution psychiatrique. Enfin, c'est pas elle qui mène le procès. Elle n'est pas procureur. Donc, elle n'est pas du côté de la défense. Mais en tant que témoin, elle aura des choses à dire. D'ailleurs, ça l'embête. De devoir témoigner. Mais elle le laissera pas s'en sortir. Et elle fera son maximum pour l'enfoncer.

Elle a pris une lente inspiration. Elle aurait bien passé sa main dans ses cheveux comme elle a l'habitude de le faire Kara. Sauf que ... Sauf qu'elle est passée par la case coiffeur, y'a de ça une semaine ou deux. Et elle a coupé ses longs cheveux. Elle avait besoin d'un changement. Nouvelle maison, un enfant à s'occuper, nouvelle vie ... nouvelle coupe quoi. Donc, exit les longs cheveux qu'elle a, à présent, au niveau des épaules. Un peu plus long qu'une coupe au carré. Ca la change. Et ça lui va bien selon les termes de Noah. Après, si ça se trouve, il lui dit ça simplement pour pas se faire engueuler. Qu'elle lui fasse la gueule. Va savoir avec lui. Il aime bien la charrier. Et elle aime bien en faire autant à dire vrai.

En tout cas, elle est arrivée un peu plus tôt. Pour parler avec le procureur. Elle avait une leçon de conduite à la base. Mais elle a annulé. Parce que oui. Avec Conrad, maintenant, elle peut pas se permettre d'appeler tous les cinq matins un uber ou un taxi. Enfin, elle le fait en ce moment, c'est vrai. Mais elle a pris sur elle. Elle a eu le code. Maintenant, elle prend quelques leçons. Et puis, elle se lancera dans le grand bain. "Bonjour Damian." lance-t-elle au procureur. Parce qu'elle le connaît. Parce qu'elle a déjà eu affaire à lui. Parce qu'elle a bossé aussi sur quelques affaires avec lui. "Bonjour Kara. Prête pour aujourd'hui ?" Elle hausse les épaules. "Prête surtout à ce qu'il soit envoyé définitivement derrière les barreaux." Ca l'arrangerait à dire vrai. Elle sait que ça va pas se décider aujourd'hui. Aujourd'hui, ça sera la mise en accusation officielle. Il y aura ensuite les interrogatoires : William, les témoins, les victimes. Et enfin le jugement. Ca irait bien plus vite si monsieur plaidait coupable. Mais comme William est un enfoiré de première, elle suppose qu'il fera comme la première fois. C'est à dire plaider non coupable. Juste pour emmerder son monde. "Ca ira ?" Car il se doute que ça sera pas facile. "C'est pas ma première fois face à lui." Et ça ira. Elle a envie de croire que ça ira. Y'a pas de raison que ça soit pas le cas. Kara a pris place juste derrière le procureur. C'était convenu comme ça. Si jamais elle a besoin de lui souffler quelques trucs. Même si elle sait très bien qu'il sait ce qu'il fait et qu'il n'aura clairement pas besoin de son aide.

En ce moment, elle est bien Kara. Enfin, si on ne parle pas du procès. Son couple avec Noah marche plutôt bien. La santé de Conrad est bonne. Il est à la maison. Avec la nounou. Et un professeur particulier. Oui, l'année scolaire est peut-être terminée pour la petite tête blonde. Pour autant, l'école n'est pas finie pour lui. Il a manqué un bon semestre à cause de sa maladie. Et elle compte bien lui faire rattraper tout cela pour qu'il soit au top à la rentrée. D'où les cours. C'est peut-être beaucoup pour le petit. Quoi que ... il semble apprécier. Tous les cours ne se font pas à la maison. Parfois, il y a des groupes d'élèves. Et il y va aussi. Pas toujours. Mais ça arrive, de temps à autre. Plus vite il rattrapera ce qu'il a manqué, mieux ce sera.

Quoi qu'il en soit, tout va plutôt bien dans sa vie actuellement. La seule chose qui pourrait tout faire exploser, c'est la libération de William. Mais elle sait que ça n'arrivera pas. Pas après ce qui s'est passé. Il n'y a aucun moyen pour que ... Et bien, pour qu'il échappe à la justice. C'est pas possible. Pas après ce qu'il a fait. Et surtout pas après un meurtre et une tentative de meurtre. Aucun juge ne sera conciliant. Les preuves sont là. Les jurés peuvent pas être aveugles. Non. Ca va aller. "Pas de risque de s'effondrer ?" Elle lui sourit en lui tapotant légèrement l'épaule. "Y'a dix ans, peut-être." Même si ça s'est pas passé y'a dix ans la première fois. "Pas aujourd'hui." Il n'a plus cette emprise sur elle. Elle s'est blindée Kara. Sa carapace, c'est Noah à ce jour.

Elle tourne la tête quand elle entend les portes s'ouvrir et un brouhaha pas possible. Les journalistes qui suivaient ... Joey. Marco. Et son père. Quand elle est arrivée, il n'y en avait qu'un ou deux. Là, vu le bordel que ça fait, ils sont bien plus nombreux. Ils ont essayé de l'interviewer. La seule chose qui est sortie de sa bouche, c'est un pas de commentaire. Et elle les a plantés sans plus attendre. Oui, bon, elle est ressortie. Pour aller aux toilettes. Mais elle ne leur parlera pas. Elle ne compte pas le faire. Même quand le procès sera terminé. Elle sait que ça peut être bien d'avoir des journalistes dans sa poche. Mais elle les évite. Elle les a toujours évités. Autant que possible. Pour en revenir à ce qui nous intéresse, ces trois là, ça fait un moment qu'elle ne les a pas vus. Joey depuis cette fameuse nuit à l'hôpital. Elle a toujours pris soin de l'éviter copieusement et de faire en sorte de ne pas être sur son chemin. Marco depuis l'hôpital, aussi, quand William a été arrêté. Et son père ... Depuis son réveil. Plus de six mois pour Joey, trois pour Marco et son père. Ils savent qu'elle a déménagé. Où ? Elle sait pas s'ils le savent. Elle a pas envoyé de faire part pour indiquer où elle allait vivre. Sont-ils au courant pour Conrad ? Elle n'en sait rien non plus. Pas de nouvelle. Elle ne leur a donné aucune nouvelle. Mais l'inverse est également vrai. A croire ... que cette situation convient à tout le monde. Kara était prête à reprendre le petit jeu qu'elle avait avec son père. Quand elle était en Pennsylvanie. L'appeler quand elle était sûre qu'il puisse pas décrocher. Mais elle n'en a rien fait. Ca fait longtemps qu'elle ne joue plus. Et qu'elle ne veut plus jouer.

"Kara ?" Elle tourne la tête vers Damian. "Désolée." Elle s'est perdue dans ses pensées quelques instants. Elle aurait bien aimé ... un peu de soutien. Noah est pas encore arrivé. Et avec son travail, il n'était pas sûr de ... de pouvoir se libérer. Elle a l'impression d'être en présence ... d'ennemis. William. Joey. Marco. Son père. C'est pas comme si elle était en bons termes avec tout ce petit monde. Elle ne laissera rien transparaître. Zen attitude oblige. Ils la saluent. Les uns après les autres. C'est froid. Mais elle s'y attendait. "Papa. Joey. Marco." C'est pas plus chaleureux de la part de Kara. "Ca va et toi ?" Les premiers mots qu'elle échange avec son père depuis l'hôpital. Où c'est limite si elle a pas été renvoyée comme une malpropre alors que ça faisait des semaines et des semaines qu'elle le veillait en se fichant totalement de sa propre santé. Qu'importe. Elle est passé au dessus de ça. "Ton retour à la villa ne s'est pas fait sans heurts ?" Elle n'était pas là. Elle était déjà partie. C'est pas comme si elle avait moult affaires. Maintenat, elle a sa maison. Avec Noah. Et Conrad. Bientôt, elle aura une voiture aussi. Beaucoup de changements. Mais elle avance Kara. Elle avance. Elle a déjà avancé sans lui. Et elle continuera à le faire.

Elle a du soutien. Enfin ! Parce que Noah vient d'arriver. "Salut toi." Elle lui offre un sourire. Le baiser est furtif mais il est là. "J'ai cru que t'allais pas pouvoir te libérer." Elle aurait affronté ça sans lui, c'est vrai. Mais c'était quand même mieux si ... s'il était là. Et il est là. Et tant mieux. "Ca va aller, t'inquiète." Elle a quand même pris sa main dans la sienne. "Ca sera pas aujourd'hui ... le plus compliqué." Elle sait que ça ne va pas durer longtemps. Que c'est une première audience. Que William devra plaider coupable. Ou non coupable. Ca faciliterait la vie de toute le monde s'il plaidait coupable. Ca serait vite expédié. Mais connaissant le zèbre, elle sait qu'il ne le fera pas. Juste pour faire chier tout le monde.

Dans l'immédiat, elle se concentre sur son père. C'est vrai qu'elle aurait pu prendre des nouvelles de Marco et de Joey. Pas tout de suite. Ils ont encore quelques minutes avant que ça ne commence. Et qu'on se le dise, sa priorité, ça reste son père mine de rien. Miguel est là. Il est présent pour son père. Et c'est limite, d'ailleurs, si Lance ne vient pas de lui balancer une pique en pleine figure. Mais elle ne relèvera pas. Si elle a longtemps cherché à être dans les petits papiers de son père, à être parfaite, aujourd'hui, ça n'a plus d'importance d'avoir son approbation ou de ne pas l'avoir. En vrai, elle a l'impression que leur relation s'est terminée au moment où il s'est fait tirer dessus. Ou quand il s'est réveillé. Elle ne retrouvera probablement pas ce qu'elle a perdu. Ou peut-être qu'elle s'en fait trop et qu'il faut simplement qu'elle attende. Peut-être qu'elle attendra longtemps. Elle sait pas. "La rééducation n'a pas été trop compliquée ?" Parce qu'elle sait qu'après trois mois de coma, c'est ... pas toujours évident. Elle-même après son accident, elle a eu le droit à de la rééducation. Pour sa jambe. Deux accidents sur la même jambe mine de rien. La voiture qui l'a renversée et la chute du premier, ça lui a pas fait que du bien. Elle est même pas certaine que Joey est au courant. Son père, elle sait même pas s'il a fait attention qu'elle était toute cabossée quand il s'est réveillé. Marco a très certainement dû leur dire. Après tout, il est payé pour ça.

C'est froid. C'est glacial. C'est une tempête. Un blizzard quand Lance salue Noah. Elle sait ... qu'ils se sont vus. Noah en a parlé à Kara, après l'avoir fait. Elle dira pas que ... le brun aurait dû se mêler de ses affaires. Elle trouve ça adorable de sa part de ... et bien, qu'il ait cherché à arranger les choses entre son père et elle. Mais elle préfère qu'il ne s'en mêle pas. Elle n'a pas envie qu'il se retrouve le cul entre deux chaises. Sa famille, ses problèmes. Même si Noah fait partie de sa famille mine de rien. Au même titre que Conrad. Elle ne l'oublie pas son petit bout de chou après tout. Même si elle a toujours l'impression que ... et bien, qu'elle n'aura pas la fibre maternelle et que ça va capoter à un moment ou à un autre. D'expérience, ça capote toujours.

Les portes s'ouvrent et se ferment. D'autres personnes rentrent dans la salle d'audience. William n'est pas encore là. Mais ça arrivera bien assez tôt. Un coup d'oeil à sa montre. Encore une bonne quinzaine de minutes avant qu'il ne soit amené et que le juge n'arrive. Elle s'est tournée. "Comment va votre blessure Marco ?" Elle qui l'avait toujours tutoyé ... Depuis le coup de non, j'le dirais à votre père, elle a instauré une distance avec lui, aussi. Moins elle est proche des gens, hormis Noah, mieux elle se porte ces temps-ci. C'est peut-être un signe qui sait ? Avant de se tourner vers Joey. "Ils t'ont pas embêté quand tu as voulu rentrer ?" Elle fait allusion à sa prothèse. "J'étais pas certaine que tu serais là mais j'avais donné ton nom et j'avais demandé à ce qu'on te laisse passer tranquillement." Mais entre ce qu'elle peut demander et ce qui se passe, hein, des fois, y'a un gouffre. elle n'a pas eu le droit à la fouille totale Kara, juste le scanner au niveau de sa jambe pour bien leur montrer qu'il n'y a que là où elle a de l'acier. "Les détecteurs sont assez vieux. Ils bipent pour un oui ou pour un non." Normalement, avec l'alliage qu'elle a dans la jambe le temps que tout se reforme bien, ça devrait pas sonner. Sauf que ça sonne. La faute à une technologie vieillissante.

Sa relation avec son père n'a rien de normal, c'est vrai. Tout comme sa relation avec sa famille. Mais ... c'est comme ça. Et c'est pas autrement. Elle a toujours fait beaucoup d'efforts. Aujourd'hui, elle n'en fait plus. Pas que ça n'en vaut pas la peine. Mais elle doit se concentrer sur d'autres choses. Elle a mis entre parenthèses sa carrière pendant un long moment. Et elle concilie sa vie de couple avec l'arrivée de Conrad. Le reste, ele verra plus tard. Ca prendra peut-être du temps, beaucoup de temps. Mais à un moment ou à un autre, ça sera du ... et bien, ça sera du passé.

Pour l'heure, c'est pas vraiment une amorce de tentative de réconciliation. Mais ça pourrait l'être. C'est un pas. Pas très appuyé. Un pas chancelant. Mais ça reste une graine qui peut prendre et qui peut pousser. Façon de parler, en quelque sorte. Elle a posé sa main sur celle de son père tandis qu'il indique qu'il ne sera pas utile dans ce procès. "Tu n'as pas à témoigner." Elle secoue la tête. "Damian peut encore te récuser." Y'a assez de charges contre William de toute façon. Mêms si elle ne témoignait pas, et Marco non plus, avec les preuves qu'il y a, William ira en prison. Ca, ça fait pas un pli. Faudrait qu'il ait un putain d'avocat qui se soucie vraiment de son client et faudrait également que ... et bien, que les preuves disparaissent. Et ça, elles vont disparaître du jour au lendemain. "C'est gentil de t'inquiéter papa. Mais je connais l'avocat de la défense." Il peut lui chercher quelques poux, c'est vrai. Mais il reste un bébé avocat. Il a été diplômé en même temps que Kara. Et c'était pas le meilleur de la classe. Non, il n'était pas très doué. Après, il a peut-être appris depuis. Ou comme elle le pense, il s'en fout, probablement. "Je sais que Damian lui a parlé. Pour qu'il essaie de convaincre William de plaider coupable et nous épargner des semaines de perte de temps." Seulement, elle se doute que William n'aura pas écouté.

Marco est ... comment dire ... Disons qu'à sa manière, il complimente Kara. En rappelant à Lance qu'elle est avocate et qu'elle sait très bien ce qui va se passer. Le garde du corps est guéri. Enfin, sa blessure. Il va bien. Tant mieux. Elle n'avait pas envie qu'une autre personne périsse à cause de ... et bien, à cause de William. Il a fait beaucoup de mal. Trop de mal à dire vrai. Quant à Joey. "Ils devaient pas t'embêter. J'ai bipé mais j'ai pas eu le droit à la fouille au corps." Merci à Damian puisqu'elle est arrivée en même temps que lui. Elle va biper un moment à dire vrai. Le temps ... Et bien, le temps que sa jambe se consolide à nouveau. Et dire qu'elle devra repasser sur le billard, encore une fois, pour enlever tout ça par la suite. Merci William. Parce que c'est à cause de lui. Elle sait même pas si Marco a su, d'ailleurs, qu'elle avait eu une telle intervention puisqu'elle ne voulait pas qu'il reste. Quant à Lance et Joey, elle mettrait sa main à couper qu'ils savent pas. Son père avait pas du remarquer qu'elle était tombée quand il s'est réveillé. Et qu'elle était bien amochée mine de rien.

Petit laïus vite fait sur ... la sensibilité des portiques. Mais Kara n'a pas vraiment écouté. pas que ce n'était pas important. Mais elle a vu rentrer l'avocat de la défense. William est également amené. Les menottes aux poignets. Dans sa tenue orange. Sa tenue de taulard. Car rappelons-le. Aujourd'hui n'est pas le jour des témoignages. Aujourd'hui est le jour de la mise en accusation. Et de savoir si William va plaider ou non coupable. Le juge rentre également. Et s'il y avait un brouhaha dans la salle d'audience, tout le monde se tait, ou presque, quand il s'installe. Un regard de William en direction de Kara. Un petit sourire en coin. Elle lui aurait bien fait un doigt d'honneur, là, tout de suite, mais elle sait très bien que c'est pas très pro à dire vrai. Le blabla habituel débute. Elle y est habituée Kara. "Accusé, levez-vous. Que plaidez-vous ?" William se lève. Toujours avec ce petit sourire en coin. "Non coupable." Kara roule des yeux. Il y a quelques murmures dans la salle d'audience. Et elle a bien vu, également, que l'avocat commis d'office a secoué la tête. A son humble avis, Kara pense qu'il a du tout faire, ou presque, pour convaincre son client d'écourter la situation en lui expliquant que le juge lui serait mieux favorable s'il plaidait coupable. Du moins, qu'il aurait possiblement une sentence moins forte. "Bien monsieur Blackwell. Vous aurez votre procès." Et il tape de son marteau. Une perte de temps. Pour tout le monde. Mais ça sera la perte de temps puisque c'est ce qu'il souhaite. Le juge renvoie tout le monde chez eux puisque ce n'est pas aujourd'hui que le procès se déroulera. "Il a fait le même coup la dernière fois." Elle savait très bien que ça serait pareil aujourd'hui. Elle ne s'attendait pas à autre chose à dire vrai.

Il veut pas se récuser. En même temps, Lance est têtu. Elle s'y attendait. "Même si t'es récusé, tu seras là." Il est vrai qu'il pourrait être au milieu des autres, avec le public. Seulement, en tant que victime, il sera pas avec les autres, justement. Il sera avec Kara. Avec les témoins. Il sera aux premières loges. "Non, je sais très bien comment va plaider William." Il va plaider non coupable. Il va faire chier tout le monde. Il va emmerder son monde comme il sait si bien le faire. C'est pour ça que si elle n'avait pas été là aujourd'hui, ça n'aurait pas changé grand chose à dire vrai. Du tout. Parce qu'elle sait déjà comment l'audience d'aujourd'hui va se terminer. Elle est pas devin. Elle connaît juste ... William. Et elle sait qu'il va faire la même chose que la dernière fois. Elle voit pas comment ça en serait autrement à dire vrai. Du moins, elle pense pas qu'il a mûri de ce côté là. Il aurait mûri, il en serait pas là aujourd'hui. Encore. A croire qu'il se plaît en prison. Bah là, elle ose espérer qu'il va manger bonbon mine de rien !

Elle a essayé Kara. Elle a essayé de faire quelque chose pour Joey. Quoi qu'il arrive, il aurait bipé, c'est vrai. Mais elle voulait lui éviter une fouille au corps. Elle avait bien précisé qu'il avait une prothèse et qu'il allait sonner. Elle avait même donné une photo. Juste pour lui épargner ... juste pour lui épargner une fouille au corps. Mais ces efforts ont été vains. Dommage. Dommage pour Joey surtout. On lui a pas vraiment laissé le choix après tout ! Elle est sûre que son cousin aurait aimé, dans la mesure du possible, éviter de ... et bien, éviter de se faire fouiller. Mais bon, c'est la vie comme on le dit si bien. Son père tique sur le fait qu'elle a bipé. Il n'est pas au courant de ce qui s'est passé. Il avait pas dû remarquer qu'elle était amochée, quand il est sorti du coma. Et elle pense pas que Marco soit au courant des différents soins qu'elle a pu avoir puisqu'elle voulait pas le voir, lui non plus.

Kara n'a toutefois guère le temps de répondre à son père. Enfin, c'est pas qu'elle a pas le temps. C'est surtout que William vient de rentrer. Tout s'enchaîne assez rapidement ensuite. La mise en accusation. William qui s'amuse à plaider non coupable alors que ... Alors qu'il sait qu'il est en faute et qu'il n'échappera pas à la prison à nouveau. Les gens commencent à se lever à l'énonce du procès prochain. "Ca prendra pas des mois." Elle secoue la tête. "Ca se fera pas en une séance, c'est vrai, mais ça restera plus rapide que certains procès que j'ai dû mener." Certaines de ses affaires sont longues. Là, elle n'a aucun doute sur ce qui va se passer. Et surtout comment ça va se passer. "Pour en revenir à ta question sur pourquoi j'ai bipé, j'aurais préféré que ça soit mon soutien-gorge." Mais c'était pas le cas. "J'ai eu le droit à ma petite hospitalisation à cause de William. Et à nouveau des broches et des plaques à la jambe qui avait déjà bien morflé quand j'ai eu l'accident de voiture. Donc je suis repartie pour sonner pendant six mois à un an." Le temps que ça s'remette d'aplomb.

En vrai, elle ne sait pas trop si c'est bien qu'il soit là ou pas. Parce qu'il est là pour quoi au final ? Pour la soutenir ? Ou pour l'enfoncer ? "Oh, bien sûr. Il t'a tiré dessus. Il a tiré sur Marco. Il a tué Theo. Et c'est moi la méchante dans l'histoire." C'est tout ce qu'elle se contente de lui répondre quant au fait que William voudra retourner la situation à son avantage. C'est pas vraiment ce qu'il a fait, lors du précédent procès. Il a pas plaidé coupable pour ce qu'il avait fait simplement parce que ça lui permettait de voir Kara un peu plus. Il savait qu'une fois en prison, il la reverrait pas de sitôt. Et Kara est quasi certaine que c'est ce qu'il va faire. A nouveau. Il est pas aussi malin que son père semble le croire. Ils se sont vus quoi ? Une fraction de seconde quand William lui a tiré dessus. Ou alors, il serait devenu sacrément malin depuis le temps. Et ça, elle doute ... Elle doute que ça soit le cas. Son avocat commis d'office, quant à lui ... Oui, Kara le connaît. Oui, elle sait également que ça le fait chier. Parce qu'il n'avait aucune envie de se retrouver embarqué dans ce merdier. Notamment parce que Kara lui filait des coups de main quand ils étaient à l'université. Non, l'avocat de la défense n'est pas non plus cul et chemise avec Kara, puisque ... c'est pas comme s'ils étaient de grands potes. Mais voilà quoi.

Joey semble sur le cul. Sur le fait que le procès peut durer du temps. Il pensait ... il pensait que ça se ferait plus rapidement. "Ca aurait pu l'être ... Quelques semaines. Et encore, beaucoup moins même. Mais il aurait fallu qu'il plaide coupable. Et ça aurait bien écourté le procès." Elle hoche la tête. Et il ne l'a pas fait. Pour voir Kara. Pour lui lancer les petits regards dont il a le secret. Sans doute pour essayer de la convaincre qu'elle vienne le voir. Ca n'a pas marché la précédente fois. Elle n'ira pas le voir en prison. Plutôt mourir. Et elle aimerait vraiment éviter de se foutre en l'air d'autant que ... d'autant qu'elle est plutôt bien actuellement. Elle est plutôt heureuse. Même si sa vie a été bousculée plus qu'elle ne l'aurait voulu au départ. Mais le changement, ça a du bon parfois, non ?

Oui, si elle bippe, c'est pas à cause d'un soutien-gorge. Mais parce qu'elle est passée, encore, sur la table d'opération. La faute à William. Et tout ça parce qu'elle essayait de faire en sorte qu'il ne flingue pas Marco. A se demander si c'était le meilleur choix d'ailleurs. Mais c'est comme ça. Kara aurait pu faire de l'humour. Dire qu'en vrai elle s'en fout complètement et qu'elle n'est pas suivie. Mais elle ne va sans doute pas rajouter de l'huile sur le feu. L'échange est déjà assez tendu et elle va pas en rajouter une couche. "Oui, je suis suivie." Et c'est tout ce qu'elle en dira. Quant à la question de Joey. "C'est gentil de t'en inquiéter mais je suis pas certaine que ça vous regarde." Certes, c'est pas Lance qui a posé la question. Mais si ça avait été lui, elle lui serait, gentiment, rentrée dedans. Puisqu'il a bien dit qu'il ne voulait rien avoir à faire dans cette histoire. Du moins, il ne semblait pas avoir envie de connaître son petit fils. Et elle pense pas que la situation ait changé à ce sujet. "Il sait juste que son papa biologique n'est pas quelqu'un de bien. Et je le tiens éloigné de la télévision. Enfin, surtout des bulletins d'infos." C'est pas lui qui va aller lire le journal ou les nouveautés sur Internet, il est un peu petit pour ça. "En tout cas, on doit y aller." Ils ne vont pas dormir au tribunal. "Prenez soin de vous." Elle se stoppe dans son mouvementa alors qu'elle allait partir. "Joey, j'vais réinsister pour qu'ils évitent la fouille au corps la prochaine fois. J'vais faire mon maximum pour pas que ça se reproduise." Mais elle promet rien, c'est vrai.

[...]Lundi 29 juillet 2024 - Début du procès.

Est-ce que c'est le début du calvaire ? C'est comme ça que Kara avait considéré le premier procès de William. Comme un calvaire. Elle était encore assez traumatisée par ce qui s'était passé. Elle était pas bien. Sa famille n'était pas vraiment au courant de tout cela. Ils ne savaient rien et elle n'avait donc pas de soutien. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, c'est différent. Aujourd'hui, elle a des gens sur qui elle peut compter. Aujourd'hui, même si elle n'est pas forcément en bons termes avec sa famille, elle est épaulée. Elle n'est pas toute seule. Et c'est le principal. Aujourd'hui, elle sait, encore une fois, qu'elle est juste là pour ... pour faire bonne figure. Les témoignages, normalement, ça devrait être à la prochaine séance. Là, ça va être plus les experts. C'est à dire la police. Le légiste ... les petites choses dans le genre. Le psy aussi. Parce que Kara se doute qu'il a dû avoir une séance avec un psy. Pour savoir s'il était dingue ou s'il ne l'est pas. Et quand bien même elle sait qu'il ne se passera rien, ou plutôt, que sa présence n'était pas nécessaire aujourd'hui, elle est là. Toujours derrière Damian.

Elle n'a pas pu arriver en avance. Pas comme la dernière fois. Elle avait des rendez-vous avec des clients qu'elle n'avait pas pu reporter. Et ça lui a permis de penser à autre chose, ce qui n'était pas mal en soit d'ailleurs. Seulement, les journalistes sont déjà là. Et en les voyant, elle soupire. "Note à soi-même. Faire son maximum pour arriver avant les journalistes." Elle va devoir jouer un peu des coudes. Qu'importe. Elle le fera; Elle a pas besoin d'un chevalier servant.

***

Elle soupire. Tous ces journalistes qui sont là, ça la fait déjà suer. Seulement, elle n'a pas le choix. De toute façon, elle ne pouvait pas annuler les rendez-vous qu'elle avait. Donc, c'est pas comme si elle pouvait faire autrement. Ah si ... La prochaine fois, elle utilisera sans doute la deuxième entrée du tribunal. Parce qu'il y a plusieurs entrées. Et même si les journalistes la connaissent, c'est bien plus surveillé, et surtout, ils n'y ont pas accès. Pourquoi ? Parce qu'en règle générale, c'est par là que les criminels arrivent. Enfin, ceux qui ont ... vraiment ... fait des choses pas très bien. Des petits cols blancs, par exemple, passeront par l'entrée principale. Des tueurs, des terroristes ou que sais-je encore, oui, ils paseront par l'autre entrée. En le faisant, elle aurait pris le risque, par contre, de tomber sur William. Elle sait pas vraiment ce qui est le mieux. Les journalistes ? Ou celui qu'elle déteste le plus au monde ? Difficile de dire.

Quoi qu'il en soit, Kara est un peu assaillie de toute part. "Mademoiselle Davidson ..." Elle n'attend que ça. Son nom de famille. Encore et encore. Tous essaient de capter son attention. Tous essaient d'avoir quelques mots de sa part. Et elle parle même pas des photos volées. "Pas de commentaires." Elle se fraie un passage autant qu'elle le peut. Ca n'a pas été une mince affaire mais elle y est arrivée. Elle a envoyé un texto au procureur. Pour qu'il vienne la chercher. Ca lui évitera une fouille au corps à cause de sa jambe. Même si elle n'a rien à cacher. "Je pensais que tu arriverais plus tôt." Elle hausse les épaules avant de lui faire la bise. "J'avais des impératifs qui n'étaient pas reportables." Ou reprogrammables. "Ton père est là ..." Elle soupire. Bruyamment à dire vrai. Elle sent d'avance qu'elle va encore se prendre la tête. "J'en viens presque à regretter de ne pas être assise à tes côtés." Sauf que ... Même si elle l'a déjà fait, être du côté du procureur, là, y'a conflit d'intérêt. Et elle peut pas. Et c'est bien dommage. Elle va devoir le supporter. Ou lui infliger un silence de mort comme elle sait si bien le faire. Ou peut-être qu'elle s'en fait trop. Encore. Et que ... et que ça va bien se passer ? Non. Elle croit plus au père Noël depuis longtemps.

Certains journalistes sont près des portes de la salle d'audience. Il y a des vigiles, quand même, pour les repoussr. Mais ils restent bruyants. Tout ça parce qu'ils pensent qu'ils vont arriver à avoir un scoop. Ca viendra pas de la part de Kara en tout cas. C'est pas elle qui va leur lâcher quoi que ce soit. C'est pas qu'elle aime pas les journalistes. L'une de ses cousines tient bien un journal et elle l'apprécie. Mais elle aime pas quand ça la concerne elle. Et là, ça la concerne, mais également la famille. Et c'est pas pareil. Mais passons. Avec le procureur, ils finissent donc par entrer dans la salle d'audience. C'est pas aujourd'hui que William sera jugé. Mais il va prendre cher quand même. Avec les preuves, les témoignages des professionnels. Elle pense que ça commencera à faire pencher la balance. De toute manière, il ne peut que être jugé coupable. Avec toutes les preuves rassemblées, elle ne voit pas comment les jurés pourront faire autrement. Ou alors, ils ont été payés. Ou menacés. La première, ça serait compliqué. William n'a jamais roulé sur l'or. La seconde, par contre ... il est enfermé, donc, ça reste compliqué pour qu'il puisse menacer des gens mine de rien. "Marco. Joey. Papa. Bonjour." Ca aurait été peut-être plus chaleureux si elle avait pris le temps de leur faire la bise. Mais c'est pas glacial pour autant. C'est tempéré dirons-nous. Elle finit par s'installer. Même place que la précédente fois. Et elle se mettra toujours à la même place. Dans la mesure du possible. A la droite de Damian, légèrement en diagonale pour qu'elle puisse lui parler au besoin.

En vrai, aujourd'hui, Kara ne sait même pas pourquoi elle est là. Elle sait déjà comment les choses vont se passer. Et ce qui va être dit. Ou plus ou moins. Si on peut dire ça ainsi, elle a déjà été spoiliée par Damian. En même temps, c'est normal qu'ils discutent de l'affaire ensemble. Elle aimerait sans doute devenir procureur. Un jour. Ca serait une belle avancée. Mais elle sait qu'elle doit faire encore pas mal de chemin. En règle générale, ce poste là est plutôt accessible aux quadragénaires et plus. Elle dit pas qu'elle n'aimerait pas être la plus jeune procureur. Mais c'est un projet. Dans tout boulot, après tout, faut avoir un but. Et ça pourrait être le sien. Mais ça sera pas pour tout de suite. Tout ça pour dire qu'elle n'est pas certaine ... que sa présence soit totalement nécessaire aujourd'hui. Elle aurait pu faire d'autres choses. D'autres rendez-vous et tout ça. Est-ce que ça serait pas parce qu'au fond, elle stresse un peu à cause de toute cette histoire ? Même si elle est quasi sûre du déroulé et de comment ça va se terminer, elle ... elle sait pas trop. C'est pas tant qu'elle ne soit pas vraiment sereine. Tout ça, c'est juste une grosse perte de temps. Parce que William s'croit au cirque. Ca l'amuse. Il tiendrait un temps soit peu à elle comme il le dit si bien, il se serait pas amusé à faire traîner les choses et il aurait plaidé coupable. Ca aurait économisé beaucoup de temps. Mais de l'argent également. Mais non. Elle sait comment il pense. Pour lui, c'est l'occasion de pouvoir voir encore Kara. Et dire qu'elle est tombée amoureuse de lui à une certaine époque. Elle a bien du mal à le croire mine de rien. A se dire qu'ils ont pu être un couple pendant un moment. Et qu'ils étaient plutôt bien. Quand son esprit s'est-il détraqué ? Elle s'est souvent posée la question. Et à dire vrai, savoir, c'est pas vraiment le plus important. Passons.

Elle a posé ses affaires et elle s'installe tranquillement. Enfin, tranquillement, c'était sans compter sur son cher paternel qui lui fait remarquer qu'elle arrive assez tard. Par rapport à la fois d'avant. Il est vrai que la précédente fois, elle avait pas lésigné et elle était grave arrivée en avance. Sauf qu'elle n'avait pas des rendez-vous importants. Et Kara, elle peut pas se permettre de reporter sans cesse des rendez-vous avec ses clients. Ou même des rendez-vous médicaux. Oui, cette fois, c'était avec des clients. Ca a un rapport avec son métier d'avocat. Mais la prochaine fois, ça pourrait ... ça pourrait être un rendez-vous médical. Un suivi pour sa jambe. Ou autre chose. "J'avais des engagements." Elle souffle et boit un peu d'eau. "Ce n'est pas aujourd'hui que notre présence est pleinement requise." Donc, qu'elle arrive pas en avance, c'est pas bien gênant. Elle se retourne quelque peu. "Toujours la fouille au corps ?" Elle sait pas si elle a pu épargner ça à son cousin ou pas. Elle a de la chance Kara. Elle a un chevalier servant qui lui évite ça. Et pourtant, faudrait qu'elle soit contrôlée. Après tout, elle est très ... comment dire ... Elle aurait des raisons d'avoir une arme sur elle pour flinguer William. Dommage que la balle ne l'ait pas tué. Seulement, même si Kara en veut terriblement à William, c'est pas le genre ... à tuer de sang froid. Quand elle lui a tiré dessus, c'était quand même en légitime défense. Il pouvait supposément faire du mal à Marco et ensuite lui faire du mal à elle. Donc oui, elle a pris l'arme. Et elle a tiré.

Elle a zéro envie d'être là. En ce jour en tout cas. Elle sait ce qui va se passer. Ce qui va se dire. Aujourd'hui, elle n'apportera rien. Que ça soit elle ou bien les autres victimes de William. Aujourd'hui, ça va être plus ou moins le même reflet que le premier procès de ce dingue. Peut-être qu'au fond, même si elle ne veut rien laisser transparaître, elle est ... pas très bien. En même temps, comment pourrait-elle aller bien ? Oui, elle a le soutien de Noah. Il est là. C'est rai. Pour elle. Et en dehors de ça, il joue très bien son rôle de petit ami. Même si dernièrement, ils se voient peut-être un peu moins. Le comble alors qu'ils vivent sous le même toit avec le petit Conrad. Pour autant, elle fait un peu plus d'heures au cabinet. Lui, il fait en sorte que les rues soient en sécurité. Non, non, ils ne se sont pas éloignés. C'est juste un moment un peu plus difficile qu'elle ne voudrait bien l'avouer. Et elle n'en dira rien de toute façon. Pourquoi ? Parce qu'elle aura son père sur son dos. Et qu'elle ne saurait dire si elle a vraiment envie que ça soit le cas. Quoi que ... son père lui manque, c'est vrai. Mais comme il n'est pas prêt à faire une place pour Conrad dans son coeur ... C'est compliqué. D'une certaine manière, en faisant les démarches pour que Conrad soit un Davidson, elle a choisi son fils à son père. Est-ce que c'était une bonne idée ? Une erreur ? Elle ne saurait dire. Mais elle ne pouvait décidement pas l'envoyer à l'assistance. Ca aurait été cruel. D'autant que sa mère adoptive avait renoncé à ses droits pour Theo. Et que ce dernier n'a malheureusement pas survécu à la tornade ... que dis-je, l'ouragan William. Mais passons. "Quoi qu'on dise ... ou qu'on ne dise rien, on se retrouvera quand même en première page." Parce que les journalistes sont des vautours. Oui, oui, elle est un peu blasée du fait que cette histoire soit aussi ... médiatique. Ca n'avait pas été la précédente fois. Peut-être qu'elle aurait dû voir et plaidoyer pour avoir des audiences à huis clos. Oui, les journalistes auraient cherché à savoir de quoi il en retournait. Mais avec un peu de chance, cette affaire n'aurait pas été autant publique. C'est trop tard de toute façon. De toute façon, elle serait arrivée en avance, Lance aurait trouvé à redire aussi. Quoi qu'elle fasse, elle a toujours le mauvais rôle. Chercher à se justifier, ça changera pas grand chose. Elle sait pour autant que la situation peut pas durer éternellement avec son père. Et qu'il faudra que les choses s'arrangent. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire.

Quoi qu'il en soit, Joey semble avoir pris l'habitude de se faire fouiller. Franchement, ça embêterait Kara de devoir le faire tous les cinq secondes. Bien que ça arrive régulièrement maintenant depuis qu'on lui a remis les broches dans la jambe. Elle a pas le droit à une fouille au corps à chaque fois. Mais au moins le petit détecteur portatif, bien qu'elle explique que c'est juste une broche médicale. Elle rêve du moment où on lui enlèvera. Même si elle va devoir faire ça encore pendant quelques mois. Foutu accident qui lui a bousillé la jambe y'a de ça quelques années. Malgré les bons soins qu'elle a pu avoir, elle pensait pas que sa jambe serait aussi fragile. On n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie comme on le dit si bien. Si Kara avait ce qu'elle voulait, elle serait pas dans cette salle d'audience à attendre le défilé des spécialistes dire oh combien William est dérangé. Tant qu'il est jugé. Elle, c'est tout ce qu'elle demande. Qu'il soit renvoyé à l'ombre pendant un moment. En fait, qu'il prenne perpétuité. Ca serait pas mal. "La seule chose qui pourrait mal se passer, c'est qu'il se retrouve libre à la fin du procès. Et ça n'arrivera pas." Le système judiciaire est pas toujours top, c'est vrai. Mais meurtre, tentative de meurtre et tentative de kidnapping, il pourra pas échapper à quelques années derrière les barreaux. D'autant que le kidnapping, ça reste une récidive en quelque sorte, même si cette fois, il a pas pu aller jusqu'au bout. Donc oui, il va manger bonbon. Ca peut pas en être autrement.

Le juge rentre dans la salle d'audience. Tout comme l'avocat commis d'office. Ce qui veut dire que l'affreux William ne va pas tarder, lui aussi, à pointer le bout de son nez et que le cirque va débuter. Bien que ça ne ressemble aucunement à un cirque, pour sûr.

Elle ne le montre pas. Mais c'est dur. C'est dur pour Kara. Elle ne laisse rien transparaître. Elle veut être forte. Pour elle. Pour sa relation avec Noah. Pour son fils. Ok, elle pourrait ... avoir envie de craquer des fois. Pas forcément laisser quelques larmes. Mais elle a de la colère. Elle est en colère contre William. Contre ce qu'il a pu faire. Contre toutes les misères qui ... Et bien, qu'il a réalisé. Comment les choses ont pu dégénérer autant ? Comment ... qu'est-ce qui s'est passé dans la tête de William ? Est-ce que y'a un truc qui s'est brisé dans son cerveau quand il était en prison ? Est-ce que c'était avant ? Est-ce qu'elle, elle a fait un truc qui ne fallait pas ? Envoyer un mauvais signe ou une connerie du genre ? Kara ne sait pas trop. Est-ce qu'elle a fait du mal à quelqu'un dans une autre vie pour que ça se produise ainsi ? Ou c'est peut-être parce qu'elle en a tellement voulu à son père de l'avoir laissée ? C'est peut-être le karma. C'est sans doute le karma. Ouais. Ca doit être ça. M'enfin.

Joey fait une remarque. Sur le fait que William aime compliquer les choses. Et que.... Bah, à demi-mots, il avoue qu'il est pas tranquille. Ou du moins, il ne le sera pas vraiment tant que le procès ne sera pas terminé et William envoyé en prison. "Tu crois que j'ai l'esprit tranquille ?" Même si elle sait que ... et bien, oui, y'a peu de chances qu'il échappe à de la prison, elle n'a pas l'esprit tranquille. Elle est pas bien. Mais elle ne le dira pas complètement. Ou ne le montrera pas. C'est pas de la fierté mal placée ou quoi que ce soit dans le genre. C'est juste que ... Elle n'a pas envie qu'on s'inquiète. Et elle sait très bien que son père pourrait être sur son dos. Ils sont peut-être en froid en ce moment, si on peut appeler ça un froid. Mais elle sait qu'au fond, il ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter pour elle. C'est ce que font les parents après tout. S'inquiéter.

Si Kara n'a pas enchaîné tout de suite, c'est son père qui a jugé bon de répondre. Il sait William intelligent. Elle serre un peu le poing. Il a perdu. Il s'est fait prendre. Encore une fois. Que peut-il espérer ? Il pense vraiment que Kara retombera dans ses bras ? Après tout ce qu'il a fait ? Non. Pas possible. Et puis, l'avocate ne pourra pas lui pardonner. Jamais. Pas avec ce qu'il a fait la première fois. Ni cette-fois-ci. Impossible. S'il était mort sur la table, ça aurait été ... Ca aurait été bien. Ca aurait été top. Il n'y aurait pas eu de procès. Parce que ça reste une perte de temps ce procès. Mais c'est comme ça. Elle ne renchérit rien sur les propos de son père. Le silence est ... Et bien, c'est pas ce qui lui plaît le mieux. Mais elle ne veut pas jeter de l'eau sur le feu. Non, ça sert à rien.

La séance va commencer. Le juge, les jurés et tout le tralala viennent d'arriver. On va appeler les experts. Même si tout ne se fera pas aujourd'hui. En vrai, ça va prendre du temps. Même pour les experts, parfois, avec les interrogatoires et les échanges, ils n'auront pas forcément le temps de livrer les témoignages en ce jour. Kara aimerait claquer des doigts. Elle aimerait avoir une baguette magique. Elle aimerait ... oh bordel, elle aimerait tellement de choses à dire vrai. Mais on n'a pas toujours ce qu'on veut de la vie.

[...]

Trois heures. Trois heures d'audience. Et ça n'a pas vraiment avancé, comme elle pouvait s'y attendre à dire vrai. Ils ont même pas tous parlé. Seulement deux. En fait, ce sont les flics. Les conclusions de l'enquête et tout ça. Les choses évidentes. Les preuves qui ont été récoltées et tout ça. Les psy, ils sont pas encore intervenus. A la prochaine audience sans doute. Elle se frotte l'arrête de son nez. Qu'est-ce qu'elle aimerait ... en vrai, elle ne sait pas si elle doit continuer à venir. Elle sait qu'il faudra qu'elle soit là pour ... le moment où elle aura à témoigner. Mais est-ce qu'il faut vraiment qu'elle s'afflige ça ? A chaque fois ? C'est pesant. Elle pensait supporter mais elle ne saurait dire si elle va tenir le coup. C'est plus compliqué qu'elle ne l'aurait imaginé à dire vrai. Ou qu'elle n'aurait bien voulu le dire. Et ils en ont encore pour des semaines et des semaines.

Des fois, elle se demande bien pourquoi elle essaie ... avec son père. Parce qu'elle a toujours tort. Elle fait toujours le mauvais choix. Elle dit toujours la chose qu'il ne faut pas. En vrai, elle doit être une telle déception aux yeux de son père. Des fois, elle en vient à se dire que si ça se trouve, il regrette qu'elle n'ait pas continué ses études en Pennsylvanie. Peut-être qu'il était bien mieux sans ... et bien, qu'il était bien mieux sans Kara. Il vivrait sa vie, tranquillement. Et comme elle n'aurait pas été dans le décor, il ne se serait jamais fait tirer dessus. Et aujourd'hui, ils ne seraient pas là. Dans cette salle d'audience. A devoir subir un procès dont personne n'a envie. En vrai, il y a bien des choses qui ne se seraient jamais produites ... si elle était restée en Pennsylvanie. Elle n'aurait pas croisé William à Las Vegas. Et en vrai, elle se dit qu'il a dû la voir. Et que ça a déclenché, à ce moment là, son plan pour essayer de la retrouver et de l'avoir pour lui tout seul. Encore un mauvais choix. Revenir à San Diego. Elle se serait évitée bien des soucis en ne revenant jamais dans le coin. Oui, bon, elle n'aurait pas croisé la route de Noah. C'est peut-être bien la seule ... la seule lumière sur ce chemin bien difficile. Peut-être qu'il devrait suggérer à Noah qu'ils s'en aillent. Elle pourrait exercer n'importe où. Lui également. Oh bien sûr, ça serait encore une mauvaise idée aux yeux de son père. Une de plus d'ailleurs. Mais elle prend ses propres décisions. Et si ça ne lui plaît pas, tant pis pour lui, non ?

Peut-être bien qu'elle se cripse un peu. Quand son père tient à lui rappeler qu'il est là. Si elle a besoin. D'aide ou de soutien. Et que Marco peut très bien rester avec Joey. Est-ce que c'est une nouvelle approche de son père pour essayer de ... Et bien, de se réconcilier avec elle ? Peut-être bien. "J'crois qu'il y a déjà pas mal de choses endommagées. Et je sais même pas ... si c'est réparable." Leur relation a bien été égratignée. C'est limite si elle a parlé aux autres membres de sa famille après cette fameuse nuit où Lance a été hospitalisé. Elle sait, en plus, que personne n'est venue quand elle-même elle s'est retrouvée à l'hôpital. Quand elle est passée par dessus la rambarbe. Bon, elle ne l'a pas chanté sur les toits, c'est vrai. Mais passons. C'est ce qui lui fait se dire ... que sa présence n'est plus vraiment essentielle dans la ville de San Diego. Et qu'elle pourrait tout aussi bien partir sans qu'on en vienne la pleurer ou essayer de la retenir.

[...]
Les écouter parler, ça n'a pas été facile pour Kara. Et pourtant, les preuves, les avis des médecins et tout ça, elle sait très bien qu'aujourd'hui, ils n'ont pas tous eu le temps de parler. Parce qu'il y avait les interrogatoires des deux parties. De la défense et de l'accusation. Et ça prend du temps. Elle s'est surprise, peut-être bien, à attraper la main de son père durant l'audience et à la serrer. Comme si ... comme si elle cherchait à se donner un peu de courage. Comme si ça allait l'aider, sur le coup, à faire passer un peu plus rapidement la pillule. Non, elle a pas broyé la main de son père. Parce qu'elle a évité de serrer trop fort quand même. Manquerait plus qu'elle lui fasse du mal sans le vouloir. Elle a passé une main dans ses cheveux courts tandis que Lance lui demande si ça va. Elle secoue la tête. "Non, j'crois pas." Elle avait déjà eu bien du mal à affronter les choses la dernière fois. Et elle avait décidé, au final, de venir qu'au moment des séances où on avait vraiment besoin d'elle. "J'suis pas certaine de pouvoir faire ça encore bien longtemps." Ouais, non. Elle va sans doute lâcher l'affaire. Et elle viendra ... les jours où ça comptera. Elle a le programme. Ou plutôt, elle sait que le procureur lui donnera les informations nécessaires pour les jours où il faudrait qu'elle vienne.

L'espoir. Elle ne sait pas si elle peut voir de l'espoir dans ce que son père vient de lui dire. En ce qui concerne ... les choses à réparer. Est-ce qu'elle doit comprendre que ce n'est pas terminé entre eux ? Il faut croire. Il faut croire qu'il n'a pas vraiment abandonné les choses. Et qu'il a envie de faire en sorte que ça aille un peu mieux entre eux. Peut-être que ça sera possible en fin de compte. Peut-être que ce n'est pas la fin. Et que ... Et que ça ira. Ouais. Peut-être bien. La question est de savoir, quand même, s'il finira par accepter le petit Conrad. Parce que mine de rien, maintenant, il est dans le décor. Kara ne va pas le renvoyer. Theo est mort. Sa mère adoptive ne voulait déjà plus s'en occuper avant tout ce merdier. Kara aurait pu s'dire qu'elle aurait pu le reprendre, c'est vrai. Et il est vrai également que si la mère adoptive avait montré un quelconque intérêt pour l'enfant, histoire de ne pas trop le perturber, elle l'aurait laissé partir. Sauf que ça n'a pas été le cas. Sauf qu'elle s'en est fichue. Qu'elle a refait sa vie. Ailleurs. Loin de la maladie et de tout ça. Et remettre Conrad dans le système. Alors qu'il venait tout juste de terminer sa chimio et d'avoir sa greffe de moëlle osseuse, non, ça aurait été cruel. Kara n'a pas pu. Elle n'a pas voulu. Si, à l'époque, elle a fait ce qui était le mieux pour elle en se séparant de lui, aujourd'hui, elle a fait ce qu'il lui semblait être le mieux pour lui. Pour changer. Enfin, la plupart du temps, elle a toujours fait ce qu'elle pensait être mieux pour les autres. Et depuis toute cette histoire, oui, elle tend à s'occuper un peu d'elle quand même. Ca fait pas de mal après tout, non ? Elle s'occupe de son couple aussi. Ca lui tient à coeur. Même si Noah ne peut pas être là à toute les séances. Et en vrai, c'est peut-être pas plus mal d'ailleurs. Un pied dedans tout en étant en dehors, si on peut dire ça ainsi. Et ça évite que ça ne la blesse trop.

[...]
Et dire qu'il va y avoir d'autres séances comme celle-là. Et dire que ça peut prendre du temps. Enfin, elle a envie de croire que ça ira peut-être un peu plus vite. C'est tout ce qu'elle veut d'ailleurs. Que ça aille vite. Le truc, c'est que la justice américaine peut être longue. Parce qu'il y a un embouteillage d'affaires à juger. Parce qu'il faut pas croire qu'il n'y a qu'une ou deux affaires. C'est pas le cas. Elle aimerait pouvoir claquer des doigts Kara. Et être au jour où ... le jugement sera rendu. Où il sera enfermé. Une bonne fois pour toute. Et qu'ils jettent la clé, cette fois. Histoire qu'il ne ressorte jamais de prison. Quel dommage qu'elle n'ait pas su viser correctement ! Quel dommage que la balle n'ait pas atteint son coeur ! Ou qu'il ne soit pas mort sur la table d'opération. Elle doute que ça aurait changé quoi que ce soit par rapport à sa relation avec son père, c'est vrai. Mais il ne serait pas là. William. Il n'aurait pas ce sourire mesquin au coin des lèvres. Et surtout, il aurait épargné aux contribuables le prix de ce procès. Pour sûr.

Les gens commencent à se lever. A partir. Kara ne sait pas franchement si ... si elle va avoir la force de ... et bien, de continuer. Elle ne voudrait pas que ça la touche. Elle aimerait avoir une armure qui la protégerait. Son armure de glace qu'elle avait. Qui s'est effritée avec le temps. Qui a disparu. Un véritable gâchis d'avoir perdu cette armure. Au moins, elle ne se laissait pas toucher par grand chose. M'enfin. Son père ne l'incite pas vraiment à faire un choix par rapport à un autre, même si elle a l'impression qu'il lui lance une petite pique. Soit elle se préserve, ne vient pas, et elle joue un peu le jeu de ... William. Parce qu'il l'aura touchée, justement. Soit, au contraire, elle se blinde comme elle peut. Elle vient. Et elle résiste. C'est plus facile à dire qu'à faire. Va falloir qu'elle se décide. Et ça va pas être une mince affaire. Elle s'est levée. Lance préfère ne pas la laisser rentrer seule. Il veut l'accompagner. "J'ai besoin d'un grand café." En vrai, elle aurait sans doute préféré quelques litres d'alcool. Mais c'est pas une solution non plus à dire vrai. "Tu veux bien nous arrêter quelque part ?" demande-t-elle à son père.